Rav Shaoul David Botschko – La mitsva de la paracha : Parachat Chlakh Lekha – La parole du Tsitsit
« Médire est plus grave que mal agir »[1].
D’où le savons nous ? La Guemara (Arakhine 15a), apporte plusieurs preuves :
« Celui qui a médit de son épouse l’accusant à tort de l’avoir trompé, est puni de 100 pièces d’argent, tandis que celui qui a « séduit » une jeune fille n’est puni que de 50 pièces d’argent ».
« De même, ceux qui ont médit d’Erets Israël ont été puni plus sévèrement que ceux qui ont fabriqué le veau d’or ». Et ne dis pas, poursuit la Guemara, que la faute des explorateurs ne résidait pas dans la médisance mais dans le manque de confiance qu’ils ont témoigné envers D ieu car, le texte : « ainsi moururent ceux qui médirent de la terre d’Israël » , c’est donc à cause de la médisance qu’ils sont morts.
Texte étonnant ! Comment une parole peut elle être considérée comme plus grave qu’un
acte ?
LE POIDS DES MOTS
Le Maharal de Prague explique que ce qui distingue l’homme de l’animal, c’est sa capacité de s’exprimer, c’est d’ailleurs ainsi que Onkelos traduit dans le premier chapitre de la Genèse, l’expression « Nefesh ‘Haya » utilisée pour la création de l’homme par « un esprit qui parle ».
Aussi, explique t il, l’homme qui faute par la parole désobéit à D ieu avec ce qui en lui est noble et sacré, c’est cela qui augmente sa responsabilité.
Celui qui agit mal s’est laissé entraîner par ses instincts, qu’il a en commun avec les animaux, mais celui qui médit utilise son intelligence pour faire le mal ; c’est tout son être qui est en cause. C’est pourquoi sa punition sera entière, 100 pièces d’argent, alors que celui qui s’est laissé entraîner par ses instincts n’est coupable de n’avoir fauté qu’avec la moitié de lui même.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la faute des explorateurs a été d’abord le fait de grands en leur génération, la médisance est le fait des intellectuels.
TOUT EST DANS LE REGARD
Un Midrash de la Paracha de Chemot nous ouvre encore une voie pour comprendre la gravité de la médisance. Selon le Midrash Moïse, lui même, a un jour médit du peuple juif; lorsque D ieu lui dit : « Va, annonce au peuple que Je vais les délivrer », il répondit : « Mais ils ne me croiront pas ». D ieu gronda alors Moïse et lui dit : « Que dis tu de mon peuple ? Pourtant ce sont des croyants, fils de croyants ». Ce que D ieu reproche à Moïse, ce n’est pas seulement de dire du mal de Son peuple, mais tout simplement de mentir : « Non », dit D ieu à Moïse, « Tu es un menteur, Mes enfants sont des croyants ! » Et pourtant, tout le monde sait que c’est Moïse qui disait la vérité, les Hébreux n’ayant jamais cessé de douter et de tout remettre en question.
En fait, à travers Moïse, D ieu nous donne une leçon essentielle : « Homme, sois modeste ! Tu ne sais pas observer ton prochain; tu crois qu’il est mauvais alors que c’est ton regard qui est superficiel ».
« L’homme est créé à Mon image; médire de lui, c’est médire de Moi; c’est ignorer la sainteté qui se trouve en tout être. Les enfants d’Israël sont Mes enfants, ils ne peuvent être que des croyants, toute autre observation n’est qu’illusion ».
Ainsi, si nous savions voir le reflet de D ieu qu’il y a en tout homme, nous ne pourrions médire de lui.
LE REGARD DE D IEU
De même, grave était la faute des explorateurs. Qu’ont ils dit de la terre d’Israël ? « Que c’est une terre qui tue ses habitants ».
Ils avaient affirmé cela après avoir constaté que de nombreux enterrements étaient survenus durant leur voyage; mais ils n’avaient rien compris : la Terre d’Israël a une âme, elle rejette les méchants; les explorateurs ne devant pas être inquiétés durant leur périple, D ieu avait fait mourir de nombreux habitants; ainsi toute la population était occupée à enterrer ses morts et personne ne prêtait attention aux espions.
Cette terre, sur laquelle « D ieu dirige Ses Regards » a une âme; médire d’elle, c’est ignorer que D ieu transcende toute chose. Non, la terre d’Israël ne dévore pas ses habitants, mais elle vomit les méchants pour laisser la place à ceux qui la méritent.
C’est pourquoi le Talmud dit de celui qui médit « qu’il nie l’essentiel », c’est à dire cette Présence transcendante de D ieu.
Le veau d’or c’était rejeter la Thora, médire d’Erets Israël, c’est dénaturer le judaïsme.
* * *
« Vous les verrez et vous vous souviendrez de tous Mes commandements » dit la Thora à propos de la Mitsva des Tsitsit à la fin de cette Paracha.
Ce ne sont que des fils mais nous réparons la faute des explorateurs par notre capacité à observer au travers de ces fils tous les commandements de D ieu.
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[1] Guemara Arakhine 15a