Rav Nahum Botschko – Massé – Eretz Israël
Notre paracha est comblée de thèmes concernant Eretz-Israël : l’obligation de libérer le pays de ses occupants étrangers et d’en extirper l’idolâtrie, celle d’attribuer par tirage au sort le patrimoine de chaque tribu, la description détaillée des frontières du pays, les noms des princes qui participeront à l’attribution des patrimoines, la mise à part des villes des Lévites et des villes-refuge.
La Thora énonce (Nombres 33, 53) : « vous libérerez le pays et vous vous y installerez ». Le commentaire de Rachi laisse entendre que l’éviction des habitants étrangers n’est en fait qu’une recommandation de bon conseil, car sans elle « vous ne pourrez pas vous y maintenir ». Nahmanide (sur le verset) enseigne toutefois qu’il s’agit d’un commandement positif : « Il leur ordonne de s’installer dans le pays et d’en hériter[1] car elle leur a été donnée et ils ne dédaigneront pas le divin patrimoine. » Et dans ses annotations critiques du Livre des commandements de Maïmonide, à propos de la quatrième mitzva, il écrit : « car nous avons reçu l’ordre d’hériter du pays que Dieu – béni soit-Il et exalté – a donné à nos Pères, Abraham, Isaac et Jacob », et il a été suivi par la grande majorité des décisionnaires.
Nahmanide explique que ce commandement inclut la conquête du pays et d’avoir à s’y établir, « de ne pas l’abandonner aux mains d’autres peuples ou à la désolation. » Le peuple d’Israël doit être souverain sur sa terre et non sous la tutelle d’étrangers ; il doit être établi sur sa terre et veiller à son développement. Cette mitzva concerne Israël en tant que collectivité, mais elle comporte une obligation pour tout un chacun d’habiter dans le pays d’Israël et de n’en pas sortir à l’étranger. Ce commandement a cours pour toutes les générations, y compris en temps d’exil.
Il est intéressant de noter qu’après le commandement d’hériter de la terre, la détermination de ses frontières et la désignation nominale des préposés au partage, la Thora ordonne à Israël trois choses : la mise à part des villes des Lévites, la mise à part des villes-refuge et les lois concernant le meurtrier par inadvertance ou avec préméditation.
Il semble que la Thora veuille nous enseigner par là l’ordre des priorités immédiates qui s’imposent à nous aussitôt que le pays aura été conquis ; celles-ci comportent deux impératifs : l’éducation par la Thora et l’amendement de la société.
La mise à part des villes des Lévites signifie l’établissement de villes d’où la Thora rayonnera en Israël, selon la bénédiction de la tribu de Lévi (Deutéronome 33, 10) : « ils enseigneront Tes lois à Jacob et Ta Thora à Israël ». Et le Hizqouni[2] explique : parce qu’ils sont disponibles, n’ayant pas de préoccupations économiques qui puissent les détourner des leçons de la Thora. »
La mise à part des villes-refuge et les lois concernant les meurtriers représentent une application pratique de la manière dont la Thora envisage l’amendement de la société hébraïque. Traitement rigoureux et sans concession du criminel ayant agi avec préméditation, mais préoccupation éducative à l’égard du meurtrier par inadvertance qui sera temporairement assigné à résidence dans une ville peuplée d’éducateurs émérites de la tribu de Lévi.
Après que le peuple d’Israël entrant sur sa terre aura veillé à ce que la Thora devienne l’apanage de tous dans l’ordre des relations entre l’homme et Dieu et à l’amendement de la société dans l’ordre des relations entre l’homme et son prochain, se réalisera pour lui la promesse du verset : « vous y veillerez et vous la réaliserez car elle est votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuple qui entendront toutes ces lois et diront (Deutéronome 4, 6) : elle n’est autre qu’un peuple sage et intelligent, cette grande nation. »
Traduit et adapté par R.E.Simsovitch
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[1] Le verbe traduit par « hériter » est en hébreu de la même racine qu’« évincer ». En effet, conceptuellement, par la prise de possession d’un héritage, le legs est « retiré » des mains du précédent détenteur pour passer entre celles de l’héritier.
[2] Rabbi ‘Hizqia bar Manoa’h, qui a vécu dans le nord de la France vers 1240.