Rav Shaoul David Botschko – Parachat Ki Tavo – La mitsva cachée
Un des versets de la paracha se lit comme une bénédiction et ne semble contenir aucune mitsva (Deutéronome XXVIII, 8) :
« Hachem t’établira pour Lui comme peuple saint comme Il te l’a juré lorsque tu observeras les mitzvoth d’Hachem ton Dieu et marcheras sur Ses voies. »
Bénédiction par le mérite de l’observance des mitzvoth et de la marche sur les voies d’Hachem.
Cependant, les Sages ont compris qu’une mitzva était ici présente. Une mitzva qui scelle les mitzvoth de la Thora : la mitzva de marcher sur Ses voies. Au début de la deuxième section du Livre de la Connaissance, Maïmonide explique que toute disposition possède des extrêmes ; voici un des nombreux exemples qu’il propose (Règles des Dispositions morales [1], i, 1) :
« Chaque homme possède des de nombreuses dispositions différentes et très éloignées les unes des autres. Untel est colérique et toujours irrité et Tel-Autre est calme et ne se met jamais en colère, et si cela lui arrive ce sera un accès de colère limité, une fois en quelques années… »
Maïmonide poursuit en disant qu’il faut choisir la voie moyenne. Celle-ci n’est pas étroite et elle offre la possibilité de choisir la bonne conduite d’excellente manière (Ibid., §§ 5-6) :
« Celui qui agit avec la plus extrême attention et ne s’éloigne que modérément de la voie moyenne d’un côté ou de l’autre est appelé « pieux » ; comment ? Celui qui s’éloigne de l’orgueil jusqu’à l’opposé le plus extrême et atteint à l’humilité la plus grande est appelé « pieux », et cette vertu est celle de la piété. Mais s’il ne s’en écarte que vers le milieu et devient humble, il sera appelé « sage » et c’est là la vertu de la sagesse. Et il en va de même pour toutes les dispositions… et nous sommes tenus de marcher sur les voies moyennes qui sont les voies bonnes et droites dont il est dit : “tu marcheras sur Ses voies”. »
Ce membre de verset « tu marcheras sur Ses voies » est donc une mitzva positive ! et Maïmonide d’ajouter (Ibid., § 6) :
« Ainsi les Sages ont appris par l’explication de ce verset « de même que Lui est appelé “clément”, sois clément toi aussi ; de même qu’Il est appelé “miséricordieux”, sois le toi aussi. De même qu’il est appelé “saint”, sois saint toi aussi. »
L’auteur du Séfer ha-‘Hinoukh (Mitzva 611) pose une question troublante : un verset dit que « Dieu est courroucé chaque jour » ; devons-nous, nous aussi, agir de même ?
Pas du tout ! répond-il. Les Sages ont expliqué que Son courroux ne dure qu’un instant. La conduite des hommes aurait dû provoquer leur perte mais la miséricorde l’emporte sur cet instant de colère ; et il conclut :
« Et cet instant minime où une unique faute fait basculer la majorité du côté coupable, les Sages l’appellent “la colère de Dieu”. En cet instant la colère se manifeste dans le monde l’attribut de Justice exigeant leur destruction. Mais l’attribut de miséricorde l’emporte et le stoppe. »
Efforçons-nous donc d’être comme Lui, de marcher sur les voies moyennes et d’être miséricordieux et non extrémistes de même qu’Il est clément et miséricordieux.
Shaoul David Botschko
[1] En hébreu Hilkhot Dé‘oth, mais le contexte permet de conclure en quel sens Maïmonide entend ce terme. Voir Le Livre de la Connaissance, PUF, Collection « Quadrige, 1961, page 111, note 1.