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Rav Shaoul David Botschko – La mitzva de la semaine : Parachat Shemot – Paroles du Maître, paroles du disciple, qui écoute-t-on ?

Rav Shaoul David Botschko – La mitzva de la semaine : Parachat Shemot – Paroles du Maître, paroles du disciple, qui écoute-t-on ?

« Paroles du Maître, paroles du disciple, qui écoute-t-on ? » Cette question talmudique[1] énonce le principe selon lequel personne ne doit obéir à un ordre contraire à sa conscience. Dans l’absolu, le Maître est le maître de toutes choses, Dieu Lui-même ; le disciple, c’est celui qui a le pouvoir et –  bien entendu – c’est la parole divine que l’on doit écouter.

Les premières à avoir agi selon leur conscience sont Chifra et Poua, les sage-femmes hébreues qui ont refusé d’obéir aux ordres de Pharaon (Shemot i, 15–17) :

« Et Pharaon dit aux sage-femmes hébreues dont l’une s’appelait Chifra et la seconde Poua ; et il dit quand vous accoucherez les hébreues, vous verrez les nouveau-nés, si c’est un fils, vous le tuerez et si c’est une fille, elle vivra. Or, les sage-femmes craignirent Dieu et elles n’ont pas fait ce qu’avait dit le roi d’Égypte et elles ont laissé vivre les garçons. »

C’est aussi ce que dit le Talmud à propos de la discipline militaire. Bien que celle-ci constitue la condition majeure du succès des armes et que celui qui se rebelle contre le roi (qui est le chef des armées) soit passible de la peine de mort, on ne doit pas obéir lorsqu’il nous est demandé de contrevenir à la Thora, ainsi que stipule Maïmonide (Règles des rois, iii, 9) :

« Celui qui ne tient pas compte de l’ordre du roi parce qu’occupé à réaliser une mitzva, même une mitzva légère, celui-là est quitte. En effet, paroles du Maître et paroles du serviteur, les paroles du Maître priment. Et il est inutile de dire que si le roi ordonne de transgresser une mitzva on ne l’écoute pas. »

La guemara (Sanhédrin 49a) relate :

« Salomon demanda à Joab : pour quelle raison as-tu tué ‘Amassa ? Il lui dit : ‘Amassa s’est rebellé contre la souveraineté royale, car il est écrit (ii Samuel xx, 4) que “le roi dit à ‘Amassa rassemble-moi les hommes de Juda dans les trois jours, et toi, attends ici. ‘Amassa est allé rassembler Juda, mais il tarda…” Salomon lui dit : ‘Amassa ne s’est pas rebellé ; il a interprété le mot “seulement” du verset (ce qui sera expliqué plus loin). Il a trouvé les gens de Juda en train d’étudier. Il s’est dit : il est écrit (Josué i, 18) Quiconque méconnaîtra ton autorité et désobéira à ta parole, quoi que tu lui ordonnes, qu’il soit mis à mort ! Seulement sois ferme et résolu !

‘Amassa a reçu de David l’ordre d’amener des soldats dans les trois jours et il ne l’a pas fait, parce qu’il les a trouvés en train d’étudier la Thora. Salomon explique : il n’était pas rebelle à la parole royale – il a écouté la voix de sa conscience qui lui enjoignait de ne pas déranger ceux qui étudient la Thora[2].

Rabbi Yitz‘haq de Karlin dans son commentaire Qeren Ora s’interroge[3] : partir en guerre pour sauver Israël de ses agresseurs oblige tout le monde, comme le dit clairement la Michna[4], même le jeune marié doit sortir de sa chambre nuptiale et la jeune mariée de sous sa ‘houpa et – à plus forte raison – les Sages doivent interrompre leur étude. Il répond à cette objection en expliquant que ce devoir s’applique dans le cas des guerres dites mil‘hemeth mitzva, c’est-à-dire celles que la Thora rend obligatoires ; or, la guerre dont il s’agit en ii Samuel xx, 4 était en fait une guerre civile, visant à réduire la révolte de Cheva‘ ben Bakhri de la tribu de Benjamin qui visait à rétablir la royauté de sa tribu dont Saül était issu.

De nos jours, la tâche de l’armée est de défendre Israël contre ceux qui veulent le détruire et il est donc du devoir de tous et de chacun de participer à cet effort, y compris ceux qui ont fait choix de se consacrer à l’étude de la Thora. L’armée ne devrait toutefois pas être employée à des tâches de police au sein de l’État.

Apprenons de la conduite de Chifra et de Poua à toujours écouter la voix de notre conscience qui est le miroir de la volonté divine en l’homme.

La parole de qui prime-t-elle, celle du Maître ou du disciple ? C’est la parole du Maître.


[1] Qiddouchine 42b.

[2] Il a déduit cela du verset (Josué i, 7) : « Seulement, sois ferme et bien résolu, en t’appliquant à agir conformément à toute la Thora que t’a ordonnée Moïse mon serviteur : ne t’en écarte à droite ni à gauche, afin que tu réussisses en toutes tes voies. » Le « seulement » de ce verset fixe une limite au « seulement » du verset 18.

[3] Cf. Keren Ora s/Sota 49b.

[4] Sota viii, 7.