Rav Shaoul David Botschko – La mitzva de la semaine : Parachat Ki Tissa – Deux mitzvoth dans un même verset
Deux mitzvoth totalement différentes apparaissent dans un même verset (Chemoth xxxiv, 26) :
« La primeur des prémices de ta terre tu apporteras à la Maison d’Hachem ton Dieu ; tu ne cuiras pas le petit dans le lait de sa mère. »
La première mitzva demande au cultivateur d’apporter au Cohen au Temple les premiers fruits des sept espèces faisant la louange d’Eretz Israël ayant poussé dans son champ. Le statut de ces fruits est le même que celui de la terouma et il est interdit au propriétaire de les manger et d’en tirer profit.
La deuxième mitzva interdit de cuire ensemble de la viande et du lait, de les manger ensemble et de tirer profit de leur mélange. Le « petit » mentionné dans cette mitzva représente l’ensemble des animaux.
La mitzva des prémices s’effectue à l’extérieur par l’apport des fruits au Temple. L’interdiction de cuire ensemble de la viande dans du lait se situe à l’intérieur de la maison, dans la cuisine qui sert à préparer la nourriture. Pourquoi ces deux mitzvoth ont-elles été reliées l’une à l’autre ?
L’examen de l’enseignement du Rachbam[1] à propos de l’interdiction du mélange de viande et de lait éclaire la relation entre ces deux mitzvoth.
Cette interdiction est présentée dans la Thora de manière étonnante : « tu ne cuiras pas le petit dans le lait de sa mère. » Le Rachbam explique[2] que la Thora nous éduque à agir avec sensibilité. Ce petit, comme tous les autres animaux, se nourrit en tétant le lait de sa mère. Exploiter sa mort par ce qui le faisait vivre témoignerait d’une hurlante cruauté.
Même si les animaux semblent ne pas avoir de sentiments et bien qu’il soit permis de manger de la viande, il est interdit de le faire d’une manière propre à éteindre toute étincelle de sensibilité humaine. Savoir que tout n’est pas permis intensifie notre capacité de compassion et nous aide à nous élever au dessus de nos besoins élémentaires.
La mitzva des prémices demande elle-aussi à l’homme de s’élever. De même que l’homme, en toute simplicité, s’élève en ayant compassion des êtres vivants et épure ainsi ses appétits et ses désirs, ne jouit pas d’un mélange témoignant d’insensibilité à l’égard des animaux, de même le cultivateur qui apporte ses fruits au Cohen au Temple de Jérusalem renonce au meilleur de sa production pour une haute cause et prouve ainsi que, bien qu’homme lié à la terre, il est capable d’élévation et n’est pas prisonnier de son terroir.
Le dénominateur commun des deux mitzvoth est qu’elles élèvent l’homme au dessus de son être de nature et démontrent qu’il n’est pas asservi à ses désirs ni même à son travail.
Ces mitzvoth transforment Israël et l’élèvent de l’être de nature à l’être de sainteté.
[1] Rabbénou Chmouel ben Meïr, petit-fils aîné de Rachi, commentateur et tossafiste, a vécu en Champagne et à Rouen au xiie siècle (c.1085 – c.1158). Auteur d’un commentaire sur la Thora, il poursuit l’œuvre de Rachi en complétant son commentaire du Talmud.
[2] Dans le verset parallèle dans la paracha de Michpatim, Chemoth xxiii, 19.