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Rav Nahum Botschko – Parachat Nitsavim – La Techouva sans autre action est-elle une Mitsva ?

Rav Nahum Botschko – Parachat Nitsavim – La Techouva sans autre action est-elle une Mitsva ?

La Techouva sans autre action est-elle une Mitsva ?

En ces jours nous pénétrons de plus en plus dans l'intensité du mois d'Elloul, le « mois de la miséricorde et des pardons ». Comme on le sait, l'essentiel de l'effort spirituel et moral de cette période consiste en ce qu'on appelle « la téchouva », terme le plus souvent traduit par « repentir » et parfois, en son sens plus immédiat, par « retour ». La question de savoir si cette téchouva est un commandement explicite de la Thora s'est déjà posée aux plus grands parmi les décisionnaires. Il nous appartient de nous interroger aussi sur les conséquences qui découlent de la réponse à cette question.

Aux versets 10 et 11 du chapitre 30 (parachat Nitzavim), nous lisons :
Parce que tu auras écouté la voix d'Hachem ton Dieu afin de garder Ses mitzvoth et Ses lois écrite (sic) dans ce Livre de la Thora, parce que tu reviendras vers Hachem ton Dieu de tout ton cœur et de tout ton être ; parce que cette mitzva que je t'ordonne aujourd'hui n'est pas hors de ta portée et n'est pas éloignée, etc. »

Dans son commentaire sur ces versets, Nahmanide explique que « cette mitzva », c'est la mitzva de la téchouva, mentionnée dans le passage adjacent (« que tu les prennes à cœur… que tu reviennes jusqu'à Hachem ton Dieu…), et qu'il s'agit bien d'un commandement prescrit par la Thora.

Maïmonide, quant à lui, n'avait pas compté la téchouva au nombre des six cent treize commandements qu'il énumère et analyse dans son Sefer HaMitzvoth. Au sujet du comportement de la téchouva, il ne mentionne en tant que commandement que l'obligation de l'aveu (commandement positif 73) :
« à savoir qu'Il nous a ordonné d'avouer les fautes involontaires et volontaires que nous avons commises devant Dieu, qu'Il soit exalté et de les dire lors de la téchouva, et c'est cela qui est la conduite de l'aveu ; l'intention étant d'avoir à dire : “de grâce, Hachem, j'ai failli et j'ai fauté et j'ai péché et j'ai fait telle et telle chose…” ; et chacun doit abonder ce discours et demander le pardon à ce sujet à la mesure de sa capacité d'expression. »

De même écrit-il au début des Règles relatives à la téchouva (Chapitre 1, règle 1) :
« lorsqu'il fait téchouva, qu'il revient de sa faute, il a obligation d'en faire l'aveu devant le Saint béni soit-Il, ainsi qu'il est écrit : “homme ou femme qui auront fait… ils feront l'aveu de leur faute qu'ils auront commise.” Il s'agit d'un aveu explicitement prononcé par des mots. Et cet aveu constitue un commandement positif de la Thora. »

Maïmonide ne compte donc pas la téchouva comme une parmi les mitzvoth, mais l'homme est certainement tenu de faire téchouva. Mais le commandement ne concerne pas le processus du repentir, mais précisément l'acte de l'aveu. Voici quel l'ordre des étapes de la téchouva d'après Maïmonide (Chapitre 2, règle 2) : 1. L'abandon de la faute, 2. L'engagement pour l'avenir, 3. Le regret, 4. L'aveu.

Il est évident que la première étape, l'abandon de la faute, implique la reconnaissance de la faute, c'est-à-dire la prise de conscience du fait qu'il y a eu faute. C'est le stade le plus difficile où l'homme doit admettre que sa conduite est fautive et problématique. En effet, l'homme pense souvent que sa conduite est des plus convenables et la plupart du temps il n'a même pas conscience d'avoir fait quelque chose de mal.

Pourquoi Maïmonide n'a-t-il pas compté la téchouva elle-même au nombre des mitzvoth mais seulement l'aveu ? Certains commentateurs ont expliqué que l'homme en état de faute est dans une situation de dévoiement dans laquelle il n'est pas supposé se trouver. Il n'est pas pertinent de commander à quelqu'un qui s'est précisément mis « hors la loi » d'avoir à observer les commandements et de cesser de fauter. Ces commandements, il y était soumis a priori et il ne cesse pas d'y être soumis. Si toutefois quelqu'un s'est mis dans une telle situation, et qu'il lui faut redresser sa conduite, la manière concrète de le faire consiste à en faire l'aveu. Effectivement, l'essentiel des commandements tient à leur effectuation concrète, c'est-à-dire dans les actions, le « faire » et le « ne-pas-faire » réels, et non l'idée du faire et du ne pas faire.

La pensée privée du concret de l'acte est sans valeur. Il est impossible de mettre les téfiline « en pensée » même si on était capable de penser toutes les implications de signification qui devraient accompagner l'effectuation de la mitzva. En vérité, la téchouva n'échappe pas à cette règle : il est impossible de faire téchouva autrement que par des actes. Les pensées et les promesses n'ont pas de prise sur le réel. C'est l'acte d'aveu où ma bouche dit ce que moi l'homme j'ai fait, qui est la réalisation du commandement. C'est l'acte qui prouve que j'ai reconnu ma faute, que j'en ai le regret et m'engage pour l'avenir de ne pas fauter à nouveau.

Nahmanide, comme nous l'avons vu, considère que la téchouva est une mitzva positive de la Thora, ce qui signifie qu'il conteste le point de vue de Maïmonide. Pour lui, peut-on dire, il y a là un élément fondamental de grande importance concernant l'effort spirituel, la ‘avoda, de l'homme. L'homme doit savoir et reconnaître que toute sa vie durant il est en effort de téchouva, qu'il s'agisse de la téchouva particulière ou de la téchouva collective.

C'est ainsi que le rav Abraham Isaac Hacohen Kook écrit (Lumières de la téchouva, chapitre 5, § 3) :
« Le monde doit nécessairement parvenir à une téchouva complète. Le monde n'est pas chose à demeurer dans un même état, mais il est au contraire dynamique, en constante évolution. »

L'énergie de téchouva unifie la téchouva personnelle de chacun d'entre nous et la téchouva nationale et universelle (ibid., 4, 3)[1] :
« Collective, la téchouva est l'élévation même du monde, sa transfiguration. Individuelle, elle ébranle la personnalité de chacun. Elle pénètre dans les voies les plus intimes de l'être, dont l'Esprit Saint seul lui permet de démêler la complexité. Mais individuelle ou collective, elle est un même dessein. ».

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[1] Extrait de la traduction du chapitre IV de Orot Hatéchouva effectuée par rav Yéhouda Léon Askénazi (Manitou) זצ"ל et Ruth Reichelberg ז"ל, parue dans la revue « Koumi » et reprise dans le volume Téchouva publié en 1993 par les éditions Eliner, OSM, Département de l’Éducation et de la Culture par la Thora dans la Diaspora. L’essentiel de ce travail commun de traduction de l’ouvrage du rav Kook est encore en manuscrit.

 

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