Ki Tissa – Etude de la Thora ET service militaire
Rav Nahum Botschko
Hashem parla a Moise pour dire: «vois, j’ai appele par son nom Betzalel fils d’Oury fils de ‘Hour de la tribu de Yéhouda… » (Chemot XXXI, 2)
Rabbi Chmouel bar Na‘hmani dit à ce sujet au nom de rabbi Yo‘hanan : Betzalel a été nommé du fait de sa sagesse. Lorsqu’Hachem a dit à Moïse ; va dire à Betzalel de faire un sanctuaire, une arche et des vaisseaux, Moïse a inversé l’ordre des choses et lui a dit : fais une arche, des vaisseaux et un sanctuaire. Betzalel lui dit : Moïse notre maître, l’usage du monde est de construire d’abord la maison et d’y placer les meubles ensuite et toi tu me dis : fais une arche, des vaisseaux et un sanctuaire ? Les vaisseaux que je fais, où les mettrai-je ? Peut-être Hachem t’a-t-il dit : sanctuaire, arche et vaisseaux ? Moïse s’exclama : peut-être étais-tu à l’ombre de Dieu (betzel El) et l’as-tu su !? (Bérakhot 55a)
Quel est donc le véritable enjeu de la discussion entre Moïse et Betzalel ?
Le rav A.I. Hacohen Kook explique1 :
« Il existe évidemment une différence entre l’ordre tel qu’il est perçu par le sage d’après les règles de la raison et celui qui résulte de la représentation que l’on se fait d’après les principes de l’esthétique. Chez le premier, tout suit l’ordre convenable en vertu de la sagesse et du bien moral, tandis que pour l’esthète qui suit l’ordre naturel véritable, les choses se disposent selon les critères de la réalité concrète. »
Autrement dit, Moïse est le sage et Betzalel est le « géomètre ». Moïse expose selon les principes de la sagesse et de la moralité, et cela signifie que la priorité est à ce qui possède le plus haut degré de sainteté : l’arche d’abord, qui est l’essentiel, puisqu’y seront placées les Tables du Témoignage, (l’arche elle-même étant aussi ainsi nommée « arche du témoignage », qui donnera son nom au sanctuaire lui-même : « sanctuaire du témoignage »).
Ensuite seulement viendra le cadre qui enveloppera cette arche, à savoir les autres vaisseaux et le bâtiment lui-même qui ne sont apparemment que des éléments seconds permettant à la Présence de reposer dans le Saint des saints. Betzalel, quant à lui, considère les choses du point de vue d’un réalisme concret : il comprend que pour que les lumières descendent dans le monde, il leur faut des réceptacles. La spiritualité la plus éthérée et la plus authentique ne peut trouver place dans la réalité du monde qu’à la condition de posséder une enveloppe extérieure. Il convient donc de construire d’abord le sanctuaire et ensuite l’arche et les autres vaisseaux.
Et de fait, Moïse acquiesça à son point de vue. Il faut se souvenir de ce qu’ici, lors de la construction du Tabernacle et des autres objets du culte, l’« enveloppe » elle-même est le produit d’un ordre divin explicite, jusque dans les moindres détails. La construction du Tabernacle et des objets du culte relèvent d’une sagesse d’une extrême et divine précision. Il y a obligation de respecter exactement les instructions – le cadre extérieur est lui-même empreint de sainteté.
Et nous en venons ainsi au sujet qui met aujourd’hui en émoi notre petit État : quel doit être le rapport entre l’étude de la Thora et le service militaire ? Par analogie, nous pourrions dire que l’étude de la Thora correspond à l’arche et que le service militaire et autres structures étatiques qui rendent possible l’existence concrète dans le pays sont de l’ordre du Tabernacle.
On comprend aisément que l’un n’est pas possible sans l’autre. Il est difficile de dire où va la priorité ou d’établir une hiérarchie. Le peuple d’Israël ne peut subsister sans l’étude de la Thora et la Thora doit se trouver au cœur. Mais il est tout aussi impossible qu’Israël puisse subsister sans une armée sophistiquée, prête au combat. Et s’il n’y avait l’État et ses structures la Thora elle-même ne pourrait se maintenir dans le pays – à Dieu ne plaise !
De même que la construction du Tabernacle est elle-même une mitzva, le service militaire est lui aussi une mitzva de la Thora, comme nos maîtres nous l’ont enseigné (on peut y compter l’obligation qui nous incombe de la conquête du pays, de sa défense, de l’interdiction de non assistance à son prochain…)
Ce pourquoi, « il est bon que tu te tiennes fortement ceci et que cela non plus tu ne le lâche pas, car celui qui craint Dieu accomplira les deux ! » (L’Ecclésiaste VII, 18).
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