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Rav Nahum Botschko – Toledot La vérité attribuée à Jacob

Rav Nahum Botschko – Toledot La vérité attribuée à Jacob

La lecture de la paracha ne peut que provoquer la stupéfaction, lorsqu’on constate la manière dont Rivqa envoie Jacob se déguiser pour recevoir d’Isaac la bénédiction destinée à Ésaü. Le point culminant de cette mystification est atteint lorsque Jacob déclare : « Moi, Ésaü, ton aîné » (Genèse xxvii, 19).

Beaucoup se sont trouvés incapables de comprendre cette conduite de Jacob. Sa vertu est en effet la vérité et celle-ci est l’un des fondements – sinon le fondement – de la moralité !

Le fait que Jacob doive recourir à la tromperie est particulièrement problématique ; cela se reproduira encore dans ses relations avec Laban. Or le prophète Mikha nous le confirme, c’est à Jacob que la vertu de vérité a été attribuée : titen emeth léYaaqov.

Le Talmud rapporte (Baba Métziă 23b) : « Il y a trois cas où il est permis, même aux plus vertueux, d’atténuer la vérité : l’hospitalité, dans les relations privées entre un homme et son épouse et aussi pour éviter l’orgueil.[1] » Les commentateurs citent de nombreux exemples où de grands personnages tels qu’Abraham, David, le prophète Élysée, Daniel ont été contraints par la situation à ne pas dire les choses telles qu’elles ; dans la situation critique dans laquelle il se trouvait par rapport aux bénédictions, Jacob avait donc certainement le droit d’agir comme il l’a fait. Rivqa et Jacob savent qu’Hachem a fait choix d’Abraham et de sa postérité – Isaac et Jacob, pères et racines du peuple d’Israël – à l’exclusion de Yichmael et d’Ésaü.

Comment expliquer cela ?
Comment serait-il possible de mentir, de travestir la vérité ?
Il faut savoir distinguer entre la vérité « absolue » et la vérité « complexe ». La vérité absolue est intangible et nul n’est en droit de la contester, tels que les fondements de la foi : la Thora en tant qu’elle est révélée, l’Unité de Dieu…Les vérités complexes appartiennent à la réalité de notre monde telles qu’elles apparaissent au jour le jour. Pratiquement chacune d’elles peut être considérée sous plusieurs angles. Dans notre réalité, les valeurs s’expérimentent comme conflictuelles et il appartient à l’homme de décider laquelle doit avoir la prépondérance en la circonstance présente.
Par exemple, il est de mise de féliciter le fiancé pour la grâce et la beauté de sa fiancée, même si elle ne nous semble pas vraiment répondre à ces critères. En cette situation particulière, il est plus important de rendre les mariés heureux que d’ergoter sur les vérités esthétiques.
L’homme en sa libre responsabilité éclairée par son intelligence des situations doit choisir la valeur dominante à ce moment là.

Jacob était confronté à un conflit de valeurs : d’une part, il doit se faire passer pour Ésaü et c’est contraire à la vérité. D’autre part, la bénédiction risque de lui échapper. Or en cela, ce n’est pas sa seule destinée qui est en jeu, c’est la poursuite et la réussite de l’histoire tout entière. Il fait donc choix de la première option car c’était cela qu’il devait faire et c’est donc que telle était la vraie vérité à ce moment là.

« Tu attribueras la vérité à Jacob » – puissions-nous, quant à nous, chaque fois que nous nous trouverons en situation d’incertitude entre deux valeurs fondamentales, bénéficier de l’aide céleste pour savoir décider et choisir celle doit être alors prioritaire.

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[1] Voir Rachi.

 

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