1 Tora mi-Tsiyon, Kohkav Yaakov, 9062200
02-9972023, 02-9974924,

Terouma – La spécificité de chacun dans l’étude de la Thora

Terouma – La spécificité de chacun dans l’étude de la Thora

Rav Nahum Botschko

 

D’une manière générale, le texte est formulé à la deuxième personne du singulier, Hachem s'adressant a Moche Rabenou : « tu feras » ; « tu feras un propitiatoire en or… », « tu feras une table en bois de chittim… », « tu feras un chandelier d’or… », « tu feras l’autel… » ; et non seulement pour les objets et le « mobilier », mais même pour la construction : « tu feras les solives… », « et tu feras des traverses… », « et tu feras un tenture… », « et tu feras le parvis… »
Mais il y a une instruction, la toute première, qui fait exception: à propos de l’arche, la Torah parle au pluriel : « vous ferez une arche en bois de chittim… »
Quelle est la signification de cette différence ?
La paracha de Térouma traite des instructions concernant la construction du sanctuaire du désert, le Michkan, que l’on pourrait traduire par « la Résidence ».
Un examen même superficiel du texte2 de ces instructions fait apparaître une étrange particularité ; d’une manière générale, le texte est formulé à la deuxième personne du singulier : « tu feras » ; « tu feras un propitiatoire en or… », « tu feras une table en bois de chittim… », « tu feras un chandelier d’or… », « tu feras l’autel… » ; et non seulement pour les objets et le « mobilier », mais même pour la construction : « tu feras les solives… », « et tu feras des traverses… », « et tu feras un tenture… », « et tu feras le parvis… »
Mais il est un cas – la toute première des instructions, d’ailleurs – qui fait exception ; à propos de l’arche, la Thora parle au pluriel : « vous ferez une arche en bois de chittim… »
Quel est la signification de cette différence ?
Le midrach enseigne (Chemot Rabba XXXIV, 2) : « pourquoi, pour tous ces objets, il est écrit “tu feras” et pour l’arche “vous ferez” ? Rabbi Yéhouda b. rabbi Chalom a dit : Hachem a dit qu’ils viennent tous s’occuper de l’arche afin qu’ils obtiennent tous la Thora. La Thora dit : tous viendront s’occuper de l’arche, afin que chacun ait sa part dans la Thora. »
Rabbi Efraïm de Lonschitz, l’auteur du commentaire Kéli Yaqar, explique (Chemot XXV, 10) que d’après le verset des Proverbes3 « Elle (la Thora) est l’Arbre de Vie pour ceux qui s’y maintiennent » que le dépôt des Tables de la loi dans une arche en bois contient une allusion aux hommes qui soutiennent ceux qui étudient la Thora, cette générosité leur étant comptée comme s’ils avaient eux-mêmes appris, et ils ont leur part de cette Thora bien qu’ils ne l’aient pas étudiée en fait. C’est pourquoi il est dit, à propos de l’autel : « ils feront » car tous peuvent être associés dans l’entreprise de la Thora.
On peut dire que par sa contribution financière, le donateur exprime l’importance que l’étude de la Thora revêt à ses yeux, et il édifie ainsi dans sa propre personnalité la centralité de l’étude de la Thora dans la vie, devenant réellement associé – à la manière d’Issakhar et de Zévouloun4 – de l’étude de la Thora au sein du peuple.
Toutefois, du point de vue du sens littéral du midrach, le pluriel de « ils feront une arche » s’explique du fait que chacun a sa propre part dans la Thora, même s’il ne s’adonne pas à plein temps à l’étude et ne peut y consacrer que quelques heures. Plus encore, il est dit qu’« Israël et la Thora ne font qu’un », car la Thora est la description de notre âme et lorsque nous étudions, se dévoile l’intimité profonde de notre personnalité enfouie dans notre âme, parce que la racine de notre âme est aussi la racine de la Thora.
Rabbi Mochè Hayyim Luzzatto a eu à ce sujet des formules tout à fait extraordinaires, disant qu’il s’agit là d’un grand « secret », qui exige de chacun de nous une responsabilité dans l’étude (Adir Bamarom, page 71) : « car voici, chacun prend certainement sa part dans la Thora, et il s’ensuit que le Sinaï n’est pas achevé tant que tous ne sont pas venus au monde et a révélé sa part ; par conséquent, lorsque quelqu’un est venu au monde et ne s’est pas efforcé d’étudier la Thora de sorte à en dévoiler la part qui était sienne, la Thora reste inachevée ! »
La manifestation de la Thora dans le monde grâce au peuple d’Israël ne peut pas se dévoiler concrètement tant que chacun d’entre nous n’étudie pas et renouvelle ainsi sa part de la Thora, ainsi que nous l’enseigne le Chantre des Psaumes : « son désir va à la Thora de Dieu, mais c’est dans la Thora qui est sienne qu’il œuvre de jour comme de nuit ! » Elle commence par être Thora de Dieu, mais au fur et à mesure qu’il l’étudie, elle devient sa Thora à lui.
Et nous voyons bien que chacun possède sa propre tendance dans l’étude de la Thora. Et il faut prendre garde à ne pas la nier pour toutes sortes de raisons secondes et circonstancielles.
Je ne peux terminer cette réflexion sur la paracha sans citer les enseignements du Grand Rav Kook et de mon grand-père, que leur souvenir nous soit bénédiction : « or, chacun qui étudie la Thora fait passer de la puissance à l’acte la réalité de sa sagesse en relation avec sa propre identité personnelle ; il est bien évident que la lumière renouvelée produite par le lien entre la Thora et telle identité particulière ne ressemble en rien à celle produite par son lien avec une autre. Et par conséquent, chacun, par son étude, participe à l’accroissement de la Thora. » (Orot HaThora, II, 1) Et nous savons effectivement que, « de même que leurs visages sont différents, leurs manières de connaître sont aussi différentes ». Et il y a lieu d’ajouter : « ainsi, la manifestation de la Thora en chacun d’entre nous est spécifique à la personnalité unique de chacun. »
« Chaque âme possède donc une fonction particulière et il nous est interdit d'imposer nos propres pensées à autrui… Il est bien que chacun approfondisse, scrute et comprenne, en fonction de sa propre intelligence et sa propre compréhension, et la multiplicité des facettes fera que chaque personne d’Israël contribuera au trésor de l’esprit du peuple de la manière la plus féconde. » (rav Moshè Botschko, Hegyoné Moshè sur la Thora, paracha de Yithro)

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1 L’« arche sainte » destinée à contenir les Tables de la Loi.,
2 Chapitres 25, 26 et 27.
3 III, 18.
4 Deux tribus frères, la première vouée à l’étude et la seconde au commerce maritime international ; celle-ci fait bénéficier celle-là de ses richesses matérielles, et celle-là, en retour, fait bénéficier celle-ci de ses richesses spirituelles.

 

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