Rav Shaoul David Botschko – La mitzva de la semaine : Parachat Toledot – Prière du Juste fils d’un méchant
Isaac et Rivqa prient. Le verset souligne surtout la prière d’Isaac (Genèse xxv, 21) :
« Et Isaac a sollicité Hachem au sujet de son épouse parce que stérile. »
Et Il a accédé à la supplication d’Isaac (ibid.) :
« Et Hachem l’a exaucé et son épouse Rivqa conçut. »
Tous deux ont prié. Le Midrach dit « lui dans ce coin et elle dans l’autre ». Mais dans le verset, le pronom est sans équivoque ; il est masculin : Il l’a exaucé lui, pas elle. Rachi explique :
« Car la prière du Juste fils de Juste ne ressemble pas à la prière du Juste fils de méchant. »
On peut justifier cela en disant que le mérite du père s’associer à la prière du fils et en renforce l’efficacité, ce qui n’est pas le cas du père racha‘. Pourtant, on ne peut pas ne pas remarquer que le fils (ou la fille) d’un racha‘ a le mérite supplémentaire d’avoir surmonté son environnement familial, effort que le fils d’un tzadiq n’a pas eu à faire. Le Midrach se comprend donc ainsi : ce n’est pas le désir de parents en mal d’enfant qui fait que la prière est exaucée, mais la nécessité d’assurer un avenir à la geste d’Abraham. C’est donc pour cette raison précisément que, dans le cas présent, c’est la prière du Juste fils de Juste est exaucée.
Or, la halakha stipule que lorsqu’on doit choisir un officiant pour conduire la prière communautaire, il est souhaitable de donner la préférence à un Juste fils de racha‘ parce que son mérite en tant que ba‘al techouva est considérable. Voici ce que dit à ce sujet le Touré Zahav[1], l’un des principaux commentateur du Choul‘han ‘Aroukh (Ora‘h ‘Haïm 53, 3) :
« Rabbi Yaaqov Ben Harroch (auteur de la somme halakhique des Arba‘ Tourim) rapporte au nom de Rabbénou Acher (son père, sommité rabbinique du 13ème – 14ème siècle) que la valeur de l’officiant ne dépend pas de sa lignée familiale, à savoir que s’il appartient à une famille méprisable, lui-même étant un Juste, il est bon de rapprocher quelqu’un provenant d’une famille éloignée de la tradition selon le principe “paix, paix au lointain et au proche” (Isaïe lvii, 19). »
Le rav Chlomo Louria a voulu réduire la règle lorsqu’il n’existe pas de personne digne de haute lignée :
« Le Rav Chlomo Louria a écrit que de toute façon, si les deux candidats sont d’égale valeur il est évident qu’il faut donner la préférence à celui de meilleure lignée parce que la prière du Juste fils de Juste n’est pas comparable à la prière du Juste fils de racha‘. »
Mais le Touré Zahav conteste. À son avis, même s’ils sont tous deux d’égale valeur, il faut demander que l’officiant soit le Juste fils de racha‘.
« À mon humble avis, du fait que Rabbénou Acher a écrit qu’il est bon de rapprocher quelqu’un provenant d’une famille éloignée, cela implique la présence d’un tiers qui n’est pas de famille éloignée et donc la possibilité d’un choix, et que même ainsi il est bon de rapprocher celui-là qui n’est pas de bonne lignée pour le rapprocher de la Présence divine, parce que la Thora requiert le cœur et que sa prière sera mieux entendue que celle du Juste fils de Juste, ce qui s’apprend précisément du verset “paix, paix au lointain et au proche” mentionné ci-dessus. »
Cela signifie qu’il est important d’inviter tout un chacun à l’honneur d’être récipiendaire de mitzvoth, et non de les réserver aux élites : tous sont dignes aux yeux d’Hachem.
[1] Rabbi David ha-Levi Segal (vers 1586 – 20 février 1667), connu sous le nom de Touré Zahav, une des plus grandes autorités rabbiniques polonaises.