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Rav Shaoul David Botschko – La mitzva de la semaine : Parachat Balak – Les démons

Rav Shaoul David Botschko – La mitzva de la semaine : Parachat Balak – Les démons

Le Séfer ‘Hassidim, ouvrage fondamental du piétisme juif allemand dû à rabbi Juda le Pieux (12ème siècle début 13ème) rapporte qu’il est interdit de condamner une fenêtre ou une porte (Testament de rabbi Juda le Pieux, § 20) :

« On ne doit pas condamner totalement une fenêtre ou une porte afin que les démons ne nuisent pas, car c’est par là qu’ils ont coutume de sortir ; on doit donc y pratiquer une ouverture. »

La raison en est expliquée dans le corps de l’ouvrage (ibid. 1146) :

« En effet, l’ânesse a vu ce que n’a pas vu Bil‘am. Et pourquoi l’ange n’a-t-il pas penché vers la droite ou la gauche ou n’a-t-il pas volé dans les airs, puisqu’il a dit “car le chemin s’est dévié à mon encontre” ? On en apprend qu’il est dangereux de condamner fenêtres et portes car il a été décrété que les démons ne pouvaient passer que par là et qu’on les obligerait à passer ailleurs, ce pourquoi “elle pressa la jambe de Bil‘am contre le mur” – pour passer par l’endroit qui lui avait été assigné. »

La croyance en l’existence des démons procède de l’hypothèse selon laquelle il existe des forces spirituelles invisibles qui agissent à leur manière et qu’il ne faut pas déranger de peur qu’elles ne se mettent en colère et provoquent des dommages, ainsi que l’enseigne rabbi Juda le Pieux. Ces propos rencontrent l’opposition de Maïmonide qui considère la croyance en les démons comme strictement interdite.

La croyance aux démons comporte le danger d’adoption de superstitions contraires à ce qu’énonce la paracha (Nombres xxiii, 23). Le peuple d’Israël ne croit qu’en une seule et unique force suprême : le Saint, source des bénédictions ! Bien sûr, le monde fonctionne conformément aux lois de la nature, mais Celui qui les dirige n’est autre que Dieu Lui-même.

Or, le récit de l’affaire de Bil‘am et de son ânesse semble témoigner du contraire de l’affirmation du Séfer ‘Hassidim. La Thora dit expressément que c’est un ange de Dieu qui a barré la route à Bil‘am sur l’ordre de Dieu (Nombres xxii, 32) :

« L’ange de Dieu lui dit : pourquoi as-tu frappé ton ânesse… ? Voici que je suis venu te faire obstacle car le chemin s’est dévié à mon encontre. »

Il est évident qu’il ne s’agit pas d’un caprice de démons !

Et alors, la question surgit d’elle-même : si les démons n’existent pas, comment se fait-il que le Talmud regorge d’histoires de démons ? Maïmonide a expliqué que nos maîtres se sont exprimés de manière allégorique et qu’il ne faut pas prendre leurs formules au pied de la lettre. Cela devrait nous permettre de comprendre le sens profond des mises en garde de rabbi Juda le Pieux.

Fenêtres et portes expriment la relation entre la maison et la famille avec le monde extérieur. Leur fermeture hermétique, c’est-à-dire le fait que les membres de la maisonnée se murent à l’intérieur comme dans une arche de Noé hermétiquement close est dangereux et inapproprié. Les propos de rabbi Juda le Pieux soulignent l’importance du contact avec le monde extérieur. Il est capital d’être partie prenante de ce qui se passe dans le monde, de participer à ses joies et à ses peines, d’ouvrir la porte et le cœur à ceux qui viennent du dehors.

En fait, c’est la réponde pratique que j’ai donnée à quelqu’un qui m’a interrogé à ce sujet : je lui ai expliqué que l’enseignement de rabbi Juda le Pieux n’a pas été repris par le Choul‘han ‘Aroukh et qu’on ne doit pas du tout s’en préoccuper. Qu’à Dieu ne plaise que nous prenions ce qu’il dit à la lettre ; nous devons en comprendre la signification. On a donc le droit de fermer ce qui doit l’être et d’ouvrir les ouvertures nécessaires ; en même temps, il faut s’efforcer de faire de sa maison un lieu ouvert qui accueille ceux qui ont besoin d’encouragement et de réconfort et de conserver toujours une fenêtre ouverte sur le monde extérieur par laquelle on pourra se relier à la communauté tout entière.