Rav Shaoul David Botschko – La mitsva de la semaine : Paracha Vayétsé – La prière du soir
Nos sages, de mémoire bénie, nous ont enseigné qu’Avraham notre père avait
institué la prière du matin, Cha’harit ; Yits’haq la prière de l’après-midi, Min’ha ; et
Ya’aqov la prière du soir, Arvit. D’où apprenons-nous que Ya’aqov institua la prière
du soir ? Du second verset de notre paracha :
« Il atteignit l’endroit et s’étendit là, car le soleil s’était couché ; il prit une des
pierres du lieu et la plaça sous sa tête ; et il se coucha en ce lieu » (Gn 28, 11).
Les sages expliquent, sur le mode midrachique, pour quelle raison le verset ne
dit pas que Ya’aqov « vint » (vayavo) en cet endroit, ou encore y « arriva » (higuia’),
mais bien « atteignit » (vayifga’) ce lieu : c’est que la racine פ.ג.ע. (paga’), d’où
découle la forme conjuguée vayifga’, porte en elle l’idée de prière. Le verset nous
apprend donc que, au coucher du soleil, au début de la nuit, Ya’aqov adressa sa prière
à l’Éternel, béni soit-Il.
Les prières de Cha’harit et de Min’ha ont un caractère obligatoire. Mais à
l’égard d’Arvit, il y a controverse : Rabban Gamliel et Rabbi Yehochoua discutent,
dans le Talmud, quant au fait de savoir si la prière d’Arvit est, elle aussi, obligatoire.
Avraham notre père institua donc la prière de Cha’harit. Il eut le mérite
d’accomplir la parole divine, vint s’établir en terre d’Israël et annonça à l’humanité
une aube nouvelle, un monde plus civilisé. Sa prière est caractérisée par son
association avec Dieu, dont il devint le messager sur la terre. Yits’haq notre père
s’enracina en terre d’Israël, sema, développa le pays, et gagna en puissance, au point
que les Philistins commencèrent à le craindre. Il institua la prière de Min’ha. Cette
min’ha (offrande) est l’expression de sa reconnaissance envers l’Éternel, qui lui
donna le mérite de réussir et de croître. Ya’aqov, quant à lui, partit en exil, fuyant son
frère et arrivant en un pays où régnait le dol et l’abus de confiance. Sa prière est celle
d’un homme qui supplie l’Éternel de ne point l’abandonner.
Rabban Gamliel dit à ce propos qu’Arvit est la prière la plus authentique, car
elle procède de la nécessité de demander protection et assistance en des temps
sombres. Une telle prière est, selon lui, évidemment obligatoire. Rabbi Yehochoua
pense, au contraire, qu’on ne saurait exiger d’un homme d’exprimer sa
reconnaissance envers Dieu lorsque tout, alentour, n’est que mal et obscurité. La
prière qui éclot du cœur par l’effet d’une grande joie, voilà la prière obligatoire ! Cela,
afin que nous n’oubliions pas Celui qui rendit possible notre réussite. En ce cas,
remercier est une obligation. Mais la prière de l’homme poursuivi ne saurait être
exigée d’en haut ; elle n’est pas obligatoire car, comment pourrait-on être tenu de
remercier quand on est en fuite, que l’on craint à tout instant l’embuscade ? Cette
prière est facultative. Elle doit émerger du sein de celui qui croit que, même en temps
de détresse, l’homme n’est pas seul. Cette foi ne se prescrit pas, car la prière doit être
le miroir des sentiments intérieurs. Et c’est en ce sens que fut tranchée la halakha :
La prière d’Arvit n’est pas obligatoire comme le sont celles de Cha’harit et de Min’ha.
Cependant, malgré cela, toutes les communautés d’Israël ont pris coutume, dans tous
les lieux où elles sont établies, de faire la prière du soir ; les juifs ont pris sur eux cet
usage comme s’il s’agissait d’une prière obligatoire (Maïmonide, Lois de la prière et
de la bénédiction des prêtres 1, 6).
Prier en temps de détresse ne peut qu’émaner d’une foi profonde, des tréfonds
du cœur. Et c’est de cette façon que les communautés d’Israël prirent sur elles la
prière d’Arvit en tant qu’obligation. Par cela, elles proclament leur grande foi en
l’Éternel, béni soit-Il, foi selon laquelle, même en temps d’exil, Dieu préserve
l’éternité d’Israël.