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Nasso – Le nazir et la société

Nasso – Le nazir et la société

 

Rav Nahum Botschko
L’un des sujets de notre paracha concerne le nazir1. La Thora décrit le cas d’une personne désirant parvenir à un plus haut degré de sainteté et d’élévation ; il veut « faire vœu de se vouer comme nazir (abstème), voulant s’abstenir en l’honneur d’Hachem. La Thora déclare que cet homme devra se priver de raisins et de vin ; il devra veiller à ne pas se rendre impur et ne pas couper ses cheveux. Au terme de sa période d’abstinence, il devra offrir plusieurs sacrifices, dont un sacrifice d’expiation.
Pourquoi le nazir doit-il offrir un sacrifice d’expiation ? Est-il considéré comme ayant commis une faute ? Pourtant, il s’est au contraire dépassé et a agi avec retenue !?
Rabbi Eléazar Haqapar (que Rachi cite ici dans son commentaire) explique que2 : le nazir doit expier le fait de s’être privé de vin. Mon grand-père et maître, rabbi Mochè Botschko שליט »א, en a tiré la preuve que la Thora ne nous réclame pas de nous abstenir des plaisirs de la vie matérielle, mais au contraire, nous devons rechercher l’harmonie entre la vie du corps et celle de l’esprit, grâce aux directives de la Thora.
Il nous faut toutefois approfondir cette question : s’il est interdit à l’homme de se mortifier et de se priver des choses matérielles permises, quelle est la place du nazir dans cette perspective ? Et aussi, pourquoi la Thora exige-t-elle de lui précisément les trois privations énumérées ci- dessus ?
La clé de l’énigme ne se trouverait-elle pas dans le commentaire de Rachi au début de ce passage3 ? « Pourquoi l’affaire du nazir est-elle juxtaposée à celle de la Sota4 ? c’est pour t’enseigner que celui qui voit une sota en son avilissement doit se priver de vin, car c’est lui qui conduit à l’adultère. » « celui qui voit une sota en son avilissement » peut s’expliquer ainsi : celui qui vit dans un milieux où la vie de famille n’est pas fondée sur la pureté et la confiance – c’est un euphémisme ! – et où les cadres normaux de la vie de couple sont comme inexistants, « doit se priver de vin », c’est-à- dire s’écarter au maximum de tout ce qui peut être de nature à le faire lui- même trébucher.
Cela se rapproche des propos de Maïmonide concernant la conduite morale, à savoir que dans la plupart des cas il n’est pas de mise de
se comporter avec exagération, la voie moyenne étant la plus juste. Mais là où s’est dévoilé un dérèglement par penchant exagéré d’un côté, il faut y remédier en commençant par une conduite exagérée de l’autre côté et, par un mouvement de balancier, retrouver finalement la position d’équilibre harmonieux.
Celui qui se trouve dans une société corrompue doit, selon la Thora, s’écarter de trois choses :
1. Ne pas boire de vin. Le vin est par excellence la boisson qui accompagne les repas de fête et de réjouissance. Il abaisse les barrières entre ceux qui trinquent ensemble et les rapproche les uns des autres. Ce n’est pas sans raison que la Thora nous retient de boire en compagnie de ceux qui pourraient nous entraîner à l’assimilation et à la perte d’identité. Cette abstention aidera à résister aux influences néfastes de la société ambiante.
2. Ne pas se rendre impur au contact des morts. La mort est aussi un phénomène qui rapproche les hommes de leur famille et de leurs proches. Plus l’événement est pénible et plus ceux qui en sont victimes resserrent leurs liens. Celui qui veut s’éloigner de la société doit se tenir à l’écart de telles situations.
3. Laisser pousser les cheveux de manière sauvage. Les cheveux en broussaille, non coiffés, sont un signe manifeste de la volonté de se
mettre à l’écart de la société. Il signifie : je me mets en vacance de la société des hommes pour me renforcer par la solitude.
La conduite de l’individu peut, en l’occurrence, nous livrer un enseignement concernant celle de la collectivité. Il est possible qu’une certaine société se sente spirituellement « menacée » par d’autres et décide de ce fait s’en séparer et même couper tout lien avec elles. On ne peut pas considérer cette attitude comme négative ; mais en fait, la validité de la conduite du nazir tient au fait qu’elle est, d’une part, limitée dans le temps à une période assez brève. Et d’autre part, c’est a posteriori qu’elle paraît justifiée, lorsque la déviance de la sota a été constatée et confirmée.
Il ne s’agit pas – loin de là – de la conduite normale voulue par la Thora. Plus encore, la Thora stipule qu’au terme de sa période d’abstinence, le nazir devra retrouver sa place dans la société, après avoir renforcé ses convictions spirituelles. Peut-être est-ce même une obligation et un devoir ; même un groupe qui de met à part doit se souvenir du fait qu’il ne peut s’agir que d’une conduite a posteriori et que l’objectif principal est d’être impliqué dans le tissu social pour y faire rayonner la lumière de la Thora.
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1 Par approximation, quelqu’un qui a fait vœu d’ascétisme. On traduit par « abstème ».
2 TB Nazir 19a.
3 Nombres VI, 2.
4 Littéralement, la « déviante ». Il s’agit d’une femme dont le comportement rend son mari jaloux.

 

Traduit par Rav E. Simsovic

 

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