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Mikets – Le Nil, assurance tous risques ?

Mikets – Le Nil, assurance tous risques ?

Rav Nahum Botschko
Le mot yéor du texte – habituellement traduit par « fleuve » – signifie littéralement « un canal ». Pourquoi, décrivant le rêve de Pharaon, la Thora dit-elle « le canal » alors que le pays en est sillonné ? N´importe lequel aurait pu faire l´affaire ! Non, répond Rachi. La Thora veut nous dire qu´il s´agit du Nil et qu´il est appelé « le canal » parce que c´est lui qui les emplit tous. Mais au-delà de l´aspect concret et technique de la question, en quoi cela est-il important de le savoir, pour que la Thora le souligne ?
« Pharaon rêve et le voici debout sur le canal » (Genèse xli, 1)
Rachi :
Sur le canal : Seul le Nil est ainsi nommé, parce que le pays est sillonné de nombreux canaux artificiels dans lesquels se répandent les eaux du Nil à des fins d’irrigation, et ce parce que les pluies ne sont pas aussi régulières en Égypte que dans les autres pays.
Le mot yéor du texte – habituellement traduit par « fleuve » – signifie littéralement « un canal ». Pourquoi, décrivant le rêve de Pharaon, la Thora dit-elle « le canal » alors que le pays en est sillonné ? N’importe lequel aurait pu faire l’affaire ! Non, répond Rachi. La Thora veut nous dire qu’il s’agit du Nil et qu’il est appelé « le canal » parce que c’est lui qui les emplit tous. Mais au-delà de l’aspect concret et technique de la question, en quoi cela est-il important de le savoir, pour que la Thora le souligne ?
Zacharie, dans une prophétie concernant les temps messianiques, annonce (xiv, 17-18) :
Et celle des familles de la terre qui n’irait pas à Jérusalem pour se prosterner devant le Roi, Hachem-Cébaot, ce n’est pas sur elles que sera la pluie. Et si la famille d’Égypte ne monte pas et ne vient pas, pas sur elles…
Toutes les nations auront obligation de monter au temple de Jérusalem pour célébrer la fête de Souccoth, pour Lui rendre grâce pour les bontés du passé et prier pour la pluie à venir. L’Égypte pourrait se croire dispensée, ne dépendant pas des bontés de Dieu puisque la crue du Nil lui assure la fertilité des terres. Elle aussi, répond le prophète, doit accomplir ce pèlerinage à Jérusalem, sinon elle sera elle aussi privée de l’abondance attendue.
L’auteur du Hazon Yéhezqeel, dans son commentaire sur la Tossefta (Soucca, chap. 3 in fine) explique : Si la famille d’Égypte ne monte pas – parce qu’elle n’a pas besoin de la pluie, puisqu’elle arrose ses terres grâce aux eaux qui montent des canaux et des bassins alimentés par le Nil et qu’elle peut s’imaginer être à l’abri de son pouvoir, disant : « Mon fleuve est pour moi, et c’est moi qui l’ai fait » je ne dépends du bon vouloir de personne ! Pas sur eux (sur les canaux) – et si elle ne monte pas, le Nil n’abreuvera pas son réseau de canaux.
Déjà maintenant, dans notre paracha, Hachem veut faire prendre conscience de cela à Pharaon, alors que nous n’en sommes encore qu’au tout début du processus : sache donc, pharaon, que tu ne réussiras pas dans le monde par ta seule puissance. Pour diriger et gérer une puissance mondiale, tu dois prendre en compte la puissance divine suprême du Créateur des mondes.
Et en effet, dans la suite de la paracha, Joseph seul parvient à déchiffrer le rêve de pharaon de manière qui le satisfasse. Il y parvient grâce à l’inspiration divine, comme il le dit lui-même à pharaon : « Pas moi ! C’est Dieu qui révélera la paix de pharaon. » Et Rachi d’ajouter : « la sagesse ne vient pas de moi ; c’est Dieu qui révélera par ma bouche la paix[1] de pharaon. »
L’Égypte, la superpuissance mondiale de ce temps-là, était fondée sur le principe de la toute-puissance des forces de la nature, forces de la nature qu’il est au pouvoir de l’homme de maîtriser, soit par les sciences et les techniques, soit par l’art de la magie. Point besoin d’une Providence divine pour cela.
La famille de Jacob devra prochainement arriver en Égypte afin que se réalise le dessein de Dieu et que Son Nom y soit connu. Viendra le jour où Dieu le fera savoir à Pharaon (Chemot ix, 14) : « afin que tu saches qu’il n’y a pas mon pareil dans toute la terre ! »
Dès le début du processus, donc, Dieu le dévoile à pharaon. Il le montre en son rêve debout sur « le canal » ; une famine va s’abattre sur le pays malgré le Nil. Il faudra la sagesse divine répandue sur Joseph pour que l’explication soit entendue, que les sages et les mages de l’Égypte n’auront pas su donner. Et viendra aussi le jour où pharaon reconnaîtra (Chemot ix, 27) : « C’est Dieu qui est le Juste et moi et mon peuple sommes les coupables. »
Nous-mêmes pouvons avoir parfois le sentiment illusoire de tenir notre avenir entre nos mains grâce à notre situation, aux précautions prises, aux polices d’assurance de toutes sortes que nous avons souscrites. De temps à autres, Dieu, par toutes sortes d’incidents qui grippent les rouages de cette machine que nous avions crue si parfaite, nous rappelle que c’est une grave erreur. Nous devons certes prendre en ce qui nous concerne toutes les précautions souhaitables, tout en sachant pourtant que nos vies ne dépendent en fin de compte que de la grâce de Dieu.

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[1] C’est-à-dire la destinée. Cette « paix » n’est pas forcément paisible.

 

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