La mitzva de la semaine par le Rav Shaoul David Botschko – Parachat Pin’has : Nomination du rabbin de la ville
Question pratique de halakha : une personne a été nommée rabbin d’une ville. Il a officié pendant plusieurs dizaines d’années avec succès, guidant spirituellement sa cité de manière exemplaire, jouissant de la reconnaissance de tous. Après sa mort, son fils, lui-même sage talmudiste estimé, compréhensif et bien disposé à l’égard des hommes, doit-il hériter de son siège ou faut-il procéder préalablement à une consultation populaire ?
La réponse de Rachi à cette question peut être trouvée dans son commentaire d’un verset de cette paracha (Nombres xxvii, 15–16) :
« Moïse parla à Hachem [Lui demandant de] dire : que nomme Hachem, Dieu des esprits de toute chair, un homme [pour diriger] l’assemblée. »
Et Rachi de dire :
« Moïse, L’ayant entendu dire que l’héritage de Tzelofhad devait être donné à ses filles, s’est dit : le moment est venu pour réclamer ce qui m’est dû, à savoir que mes fils héritent ma charge. Le Saint, source des bénédictions, lui dit : telle n’est pas Mon intention. Josué est digne de recevoir la rétribution de son service, de n’avoir jamais bougé de la tente. »
Bien que le fils de Moïse fût certainement digne de recevoir cet héritage, puisqu’autrement Moïse n’aurait jamais envisagé cette possibilité, la réponse qu’il entend est qu’une telle décision ne lui appartient pas. Et lorsque la voix divine ne nous fait pas connaître qui nommer, comment décide-t-on ? Le Talmud (Berakhot 55a) le dit clairement, on consulte le peuple :
« Rabbi Yitz‘haq a dit : on ne nomme pas un chef de la communauté sinon après consultation du peuple, ainsi qu’il est dit (Chemoth xxxv, 30) – “Voyez, Hachem a appelé Betzalel par son nom”. Le Saint, source des bénédictions, a dit à Moïse : Moïse, Betzalel t’agrée ? Il Lui a répondu : “Maître du monde, s’il T’agrée à Toi, à moi a fortiori !” Il lui a dit : “Néanmoins, va leur dire (leur demander leur avis). Il est allé demander à Israël : “Betzalel vous agrée-t-il ?”. Ils lui ont dit : “S’il agrée au Saint, source des bénédictions, et t’agrée à toi aussi, à nous a fortiori !” »
Il existe pourtant une possibilité halakhique pour qu’un fils qui en digne hérite de la charge de son père, comme le Rema[1] le précise (Yoré Dé‘a 245, 22) :
« Même son fils ou son petit-fils ont toujours préséance sur tous les autres autant qu’ils occupent dignement la place de leurs pères avec le sens de leur responsabilité et qu’ils possèdent un peu de sagesse. »
Mais, ajoute-t-il, cette règle ne s’applique qu’avec l’assentiment du public :
« Là où la coutume est d’engager un rav pour une durée déterminée ou que la coutume est d’élire qui ils veulent – ils en ont le droit. »
Par conséquent, la coutume, de nos jours (en Israël), étant que le rabbin local est élu selon certaines règles fixées par la loi, il n’est pas possible d’imposer au public que le fils succède au père et il doit présenter sa candidature comme tout autre et le dernier mot revient au public.
[1] Mochè ben Israël Isserlis, (dit le Rem »a) également prononcé Remo ou Remou par les achkénazes) est un éminent rabbin, talmudiste, philosophe et décisionnaire polonais du xvième siècle (1520–1572).
Il est principalement renommé pour ses travaux fondamentaux en loi juive, le Darkei Mochè, commentaire sur les Arbaa Tourim et surtout « la Mappa » (c’est-à-dire la « la nappe »), commentaire critique du Choul‘han ‘Aroukh (=la Table servie) dans laquelle il indique les coutumes achkénazes. C’est grâce à la Mappa que le Choul‘han ‘Aroukh a atteint son statut de référence quasi-universelle pour la Loi juive.