La mitzva de la semaine par le Rav Shaoul David Botschko – Parachat Bô : La mitzva qui n’a pas été comptée
J’ai donné un jour une conférence au cours de laquelle j’ai mentionné une date – le mois et l’année – du calendrier civil. Un des auditeurs m’a violemment pris à partie : quelle honte qu’un rabbin israélien donne une date du calendrier non-juif ! Nous sommes des Hébreux et nous devons utiliser le calendrier hébraïque !
Le contestataire a semble-t-il raison. En effet, notre paracha stipule clairement (Chemot xii, 2) :
« Ce mois-ci sera pour vous le commencement des mois. Il est le premier pour vous des mois de l’année. »
Le mois de la sortie d’Égypte est littéralement le premier mois de l’année ; nous comptons donc les mois à partie de celui-là, le deuxième après la sortie d’Égypte, le troisième, etc., ainsi que l’explique Nahmanide :
« “Ce mois-ci sera pour vous le commencement des mois” signifie qu’Israel doit le compter comme le premier à partir duquel les autres seront comptés, deuxième, troisième et ainsi de suite jusqu’à la fin de l’année au douzième mois, cela afin d’assurer le souvenir du grand miracle. En effet, chaque fois que nous mentionnerons les mois, le miracle sera rappelé. C’est la raison pour laquelle les mois n’ont pas de nom dans la Thora. Nous dirons donc “au troisième mois” (ci-après xix, 1) ou “Et ce fut dans la deuxième année, au deuxième mois, la nuée s’éleva” (Nombres x, 11) ou encore “et au septième mois au premier du mois” (ibid., xxix, 1) et de même pour tous. »
Mais en fait, ce n’est que dans la Thora que les mois sont ainsi comptés. Nous les appelons « Nissan », « Iyar », etc. Que s’est-il passé ? C’est qu’une telle mitzva n’existe pas dans la Thora, en tant que halakha. Nahmanide lui-même explique pourquoi nous utilisons pour les mois leur nom babylonien :
« Nos maîtres ont déjà parlé de ce sujet et ont déclaré que “les noms des mois sont montés avec nous de Babel” (Talmud de Jérusalem, Roch Hachana i, 2 ; Genèse Rabba 48, 9). Ceci parce qu’au début, les mois n’avaient pas de nom chez nous et cela parce que leur compte rappelait la sortie d’Égypte. Mais lorsque nous nous sommes montés de Babel et que s’est réalisée la prophétie de Jérémie (xvi, 14–15), “et on ne dira plus ‘vivant est Hachem qui a fait monter les Enfants d’Israël du pays d’Égypte’ mais ‘vivant est Hachem qui a fait monter et qui a amené les Enfants d’Israël du pays du Nord…’ nous sommes revenus à nommer les mois du nom dont on les appelle à Babel, pour rappeler que c’est là que nous nous trouvions et que c’est de là qu’Hachem nous a fait monter. Car ces noms, Nissan, Iyar, etc. sont des noms persans et on ne les trouve mentionnés que dans les livres des prophètes babyloniens. »
Extraordinaire ! Le miracle de la montée en Israël au temps d’Ezra et de Néhémie est plus grand que celui de la sortie d’Égypte, bien que tout se soit passé de manière naturelle. Après un exil de soixante-dix ans, merveille d’entre les actes d’Hachem, les Enfants d’Israël ont pu revenir en Eretz Israël. Et cet événement est plus proche de nous que l’époque de la sortie d’Égypte qui s’est produite il y a si longtemps.
Or donc, si le retour des Juifs de Babylone au temps du deuxième Temple, après un exil de seulement soixante-dix ans, est un miracle supérieur à celui de la sortie d’Égypte, ô combien plus grand encore est le miracle du retour d’Israël de toutes les extrémités de la terre après un exil de deux mille ans !
Cela explique peut-être pourquoi nous nous servons d’un système de dates « étranger ».