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‘Houkat – « Moché doute-t-il de Hashem »

‘Houkat – « Moché doute-t-il de Hashem »

Rav Shaoul David Botschko
Interrogation impie ?
Moïse est en effet le plus grand des prophètes. Lorsque sa soeur Miriam la prophétesse s’était permise d’exprimer quelques critiques sur Moïse, elle fut sévèrement punie et D ieu déclara alors toute l’affection qu’il portait à Son serviteur chéri :
D ieu dit (à Miriam et à Aaron) : « Ecoutez Mes paroles : Les prophètes, Je ne Me fais connaître à eux que dans une vision ou c’est dans un rêve que Je M’adresse à eux. Tandis que Moïse est Mon Serviteur, Il est l’homme de confiance dans Ma maison. C’est face à face que Je lui parle, c’est explicitement que Je M’adresse à lui; Je n’utilise point de voile; il a même pu contempler D ieu. Comment avez vous oser médire de Mon serviteur ? »[1]
Et pourtant, dans cette même Paracha de BEHAALOT’HA, Moïse doute du pouvoir de D ieu : Lorsque les hébreux réclamèrent à corps et à cri de la viande, Hachem s’engagea à leur en fournir pour un mois entier; Moïse s’écria alors :
« Ce peuple compte six cent mille hommes et Toi Tu me dis : Je leur donnerai de la viande et ils en mangeront pendant un mois entier. Même si on leur égorgeait du menu et du gros bétail, y en aurait il assez ?; même si l’on rassemblait tous les poissons de la mer, y en aurait il assez ? »[2]
La réponse de D ieu confirme que Moïse avait bien douté :
« D ieu serait Il limité dans Ses pouvoirs; tu le verras, Mes paroles s’accompliront »[3].
Rabbi Chimon Bar Yo’haï n’a pu accepter que l’on comprenne ces versets dans leur sens littéral et il s’exclame :
« A D ieu ne plaise; Moïse n’a pas douté de D ieu, mais il avait voulu défendre son peuple : comment vas-tu nourrir ce peuple pendant un mois, pour le tuer ensuite ? Et D ieu lui répondit : Ne vaut il pas mieux que tout ce peuple meure et que l’on ne puise douter du pouvoir divin ? »[4]
Mais Rabbi Akiba n’accepte pas cette interprétation; pour lui, Moïse a bien douté de D ieu. Et ce ne serait pas un accident unique. Rabbi Akiba rappelle que dans la Paracha Houkat, Moïse, au lieu de parler au rocher pour qu’il donne de l’eau, il le frappa. D ieu punit alors sévèrement Moïse de Lui avoir désobéi et surtout « de ne pas Lui avoir fait confiance » qu’Il pouvait faire jaillir de l’eau du rocher sans même qu’on le touche[5].
De plus ce n’était pas la première fois que Moïse exprimait une hésitation. En effet, lors de l’intronisation de Moïse comme prophète, lorsque D ieu lui demandait de faire sortir les hébreux d’Egypte, il refusa sous prétexte qu’il était bègue et que sa mission ne pourrait donc pas réussir. D ieu dù lui rappeler que c’est le Tout Puissant qui rend bègue et qu’Il peut donc lui rendre la parole[6].
A chaque fois, Moïse dut supporter les conséquences de ses doutes :
Lorsqu’il affirma, qu’étant bègue, il ne pouvait assumer une mission, il fut privé de devenir père d’une dynastie de prètres[7]. Lorsqu’il s’interroge sur la capacité de D ieu à fournir de la viande, il dut partager avec 70 sages le privilège de prophétiser[8]. Et enfin lorsqu’il manqua de confiance et frappa le rocher, il lui fut interdit de conduire le peuple hébreu en Israël[9].
On lui refuse d’abord de transmettre son statut de guide à ses enfants; ensuite de son vivant il doit partager ses responsablités, pour devoir finalement se démettre avant d’avoir achevé sa mission.
Mais même si le texte ne le dit pas, il ne me semble pas que Moïse ait vraiment prononcé les phrases qui mettent en question l’essentiel de la foi; ce qui s’est vraisemblablement passé, c’est que le doute l’avait effleuré; mais D ieu qui lit les pensées de l’homme a su que Moïse avait faibli, même si ce n’était que le temps d’un moment infiniment petit.
Celui qui a parlé face à face avec l’Eternel, qui s’est élevé au niveau des anges et qui les a même dépassé, qui a pu se priver de nourriture et de boissons durant trois périodes de quarante jours, n’en n’est pas moins resté humain. (Voir à ce propos la Guemara Meguila qui démontre que Moïse est resté chair).
Placer totalement sa confiance en D ieu, s’abandonner complètement dans Ses bras est le niveau de spiritualité et de sainteté le plus élevé. Sur cette échelle de la Confiance, Moïse s’y est hissé plus haut qu’aucun autre être humain, mais l’homme qu’il était n’a pas pu grimper jusqu’au sommet absolu.
Ainsi, il ne faut peut être pas comprendre les punitions de Moïse comme des sanctions, mais plutôt comme la marque de sa finitude. Si ses enfants avaient été ses héritiers spirituels, si tout au long de sa vie il avait été le seul à bénéficier de la prophétie, s’il avait pu achever sa mission, il serait devenu (si l’on pouvait s’exprimer ainsi) presque l’égal de D ieu.
L’ENIGME
Mais le doute de Moïse est peut être d’une toute autre nature.
Vraisemblablement qu’il savait de manière certaine que le pouvoir de D ieu est sans limites aucune.
Son interrogation ne portait que sur les modalités de cette intervention, le pari de la création étant de laisser à l’homme le soin d’intervenir et d’agir.
Aussi, lorsque D ieu lui demande de sortir les hébreux d’Egypte, Moïse sait-il que son rôle ne se bornera pas à n’être qu’une marionnette dans les mains de D ieu, mais qu’il devra prendre ses responsabilités et subir mille tourments. Moïse est sincèrement humble, il doute vraiment de lui même et lorsqu’il dit à D ieu « je suis bègue », il appelle le Tout Puissant à son secours.
Lorsque D ieu se propose de donner de la viande aux hébreux, il sait que Hachem peut fournir plus de viande encore que l’homme ne peut en demander.
Mais ce que Moïse ne comprend pas: comment D ieu va t il faire pour que les hébreux soient satisfaits ? Moïse savait que ce n’était pas la faim qui justifiait les réclamations de son peuple; l’homme restant maître de son libre arbitre, même si on lui donnait tout ce qu’il désirait, il réclamerait encore, « Cela leur suffirait il ? » signifie « pourront ils être satisfaits ? »
Lorsque Moïse frappe le rocher au lieu de lui parler, il montre qu’il ne croit pas que l’homme puisse devenir meilleur par la seule vertu du dialogue; mais, si on use de violence à son égard, il perd sa dimension d’homme. Aussi Moïse interrogeait il D ieu avec angoisse : comment trouver une issue à cette voie qui semble bouchée ?
Mais Moïse s’est trompé. D ieu peut intervenir tout en respectant la liberté de l’homme. C’est une vérité mystérieuse qui est au delà de la compréhension humaine.
Moïse qui vivait les révoltes successives des hébreux croyait qu’ils étaient mauvais et que leur conduite ne pouvait s’améliorer qu’avec des châtiments, ce qui les priverait de leur liberté !
Non ! répond D ieu avec force; ils sont intrinsèquement bons. Aussi peuvent-ils changer et devenir reconnaissants une fois que l’on aura satisfait leur demande, car lorsqu’ils agissent mal, ce n’est pas leur essence qui est atteinte. On peut alors leur parler pour chasser le voile; Israël reviendra alors à D ieu; lentement peut être, mais sùrement.
Croire à la venue du messie, c’est croire en l’homme créé à l’image de D ieu.

 

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