Rav Nahum Botschko : Beréchit – le statut de la femme
La paracha traite de la création du monde, création dont celle de l’homme constitue le sommet incontesté.
Décrivant cette création de l’homme, la Thora précise (Genèse i, 27) :
« Et Elohim créa l’homme à son image, à l’image d’Elohim Il le créa, mâle et femelle il les créa »
Le moins qu’on puisse dire de ce verset, c’est qu’il n’est pas absolument limpide. À première vue, les deux premières parties semblent répéter la même information ; quant à la troisième, elle est au pluriel et concerne semble-t-il la création de deux êtres, l’un mâle et l’autre femelle, et non d’un seul comme l’indiquait le singulier des deux premières parties.
Par ailleurs, au chapitre II de la Genèse (versets 21-22), un passage est dédié spécifiquement à la création de la femme :
« Hachem Elohim fit peser une torpeur sur l’homme, qui s’endormit ; Il prit une de ses côtes, et referma la chair à la place. Hachem Elohim bâtit la côte qu’il avait prise à l’homme en une femme, et Il la mena à l’homme »
Selon cette description, l’homme seul aurait été d’abord créé et ensuite, à partir de cet homme, aurait été créée la femme, ce qui ne semble pas a priori compatible avec la description du premier chapitre citée ci-dessus.
Les maîtres du Talmud et du Midrach, et de même les commentateurs traditionnels se sont attachés à résoudre cette apparente contradiction. L’une des thèses les plus connues (rapportée par Rachi et d’autres commentateurs d’après le Midrach), consiste à dire que l’homme avait été créé d’abord «à deux visages» (mâle et femelle, c’est-à-dire androgyne), lesquels furent ensuite séparés.
Un midrach talmudique (Traité Bérakhot 61a) s’interroge quant à la répartition de ces deux « figures » au sein de cet être unique originel. Cette « côte », ou ce « côté » prélevé sur l’homme, où était-il situé ? Rav et Chmouel en discutent. L’un dit : « c’était un « visage », l’autre dit : « c’était une queue ».
Le discours de ces midrachim nous est assez étrange. Essayons d’en pénétrer le sens.
Lorsqu’un même être se présente de façon duelle, ses deux dimensions sont-elles équivalentes ou bien l’une d’entre elles est-elle dominante et l’autre seconde par rapport à la première. Les côtés masculin et féminin de l’homme primordial représentent-ils deux dimensions chacune plénière qui, après leur séparation, devront se compléter l’une l’autre pour le progrès du monde, face à face après avoir été dos à dos. Ou bien le côté féminin doit-il être considéré comme dépendant de l’homme, secondarisée et inférieure par rapport à lui ? L’harmonie entre eux procéderait de cette soumission de la femme réputée « recevante » à l’homme réputé « donnant ». L’homme, dit le midrach Tana Debé Eliyahou, agit à l’extérieur de la maison, tandis que la femme œuvre à l’intérieur. Il rapporte la récolte du champ et la femme transforme le blé en farine dont elle fait du pain. L’homme rapporte du lin du champ et la femme en tisse des vêtements. L’homme donne sa semence et la femme qui la reçoit en fait un enfant.
C’est donc que le pouvoir de transformation par lequel la femme améliore l’état de nature dépend néanmoins précisément du fait qu’elle en reçoit les éléments (le blé, le lin…) de l’homme.
Ces deux aspects de la réalité humaine étaient présents à la création de l’homme, parce qu’elles sont toutes deux vraies. Cependant, avec le temps, la plupart des civilisations humaines se sont développées avec une prépondérance masculine réduisant la femme à être la servante de l’homme. De nos jours, nous constatons une transformation radicale de cette situation, la femme voulant devenir de plus en plus l’égale de l’homme.
Cette tendance est-elle conforme à la conception de la Thora ?
La littérature traditionnelle fait état du fait qu’à l’à-venir la dimension féminine recevra ce qui lui revient directement du « monde supérieur » sans passer par la dimension « masculine ». C’est-à-dire qu’ils auront tous deux une influence réciproque mais pas d’une manière telle que le féminin serait comme négligeable par rapport au masculin mais au contraire de manière telle que sa personnalité est bien plus affirmée.
Il est possible que les mouvements féministes constituent une preuve supplémentaire du caractère messianique de l’époque où nous vivons. Nous y voyons, comme le rav Kook l’a écrit en de nombreux endroits, qu’en toute manifestation de grande envergure, même si elle comporte de nombreux aspects négatifs, se trouve toujours nécessairement un noyau de vérité qui en assure la vitalité.
Nous faisons confiance au peuple d’Israël en ces générations messianiques : il saura trouver l’équilibre harmonieux entre ces deux dimensions.