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Rav Shaoul David Botschko – La mitsva de la paracha : Parachat Shemot – l’esclavage en Egypte

Rav Shaoul David Botschko – La mitsva de la paracha : Parachat Shemot – l’esclavage en Egypte

L’exil d’Egypte a duré près de deux cent dix ans, dont une grande partie en esclavage cruel et interminable. Quelles fautes les hébreux avaient-ils donc commis pour mériter un tel châtiment ?

PUNITION
Pour Nachmanide et Abarbanel, cet esclavage était une punition pour les péchés des ancêtres. En effet, dit Nachmanide, Abraham n’aurait pas dû quitter Israël pour se rendre en Egypte lors de la grande famine qui sévit alors en Israël. De plus, en se rendant en Egypte, il mit sa femme en danger, puisqu’il sera contraint de nier son identité de couple en déclarant de Sara qu’elle était sa soeur.
Pour Abarbanel, la faute se situe trois générations plus tard, chez les enfants de Jacob qui s’installèrent en Egypte. Leur faute ? La haine qui régnait entre les douze frères. Ils ne pouvaient même plus se parler. Ces sentiments exacerbés par la jalousie les amenèrent à vendre un des leurs, Joseph pour vingt pièces d’argent ; le crime abject.

DETERMINISME
Le Maharal de Prague [1] s’élève avec vigueur contre ces interprétations. Si les ancêtres avaient fauté, seraient-ce les enfants qui devraient subir ? s’exclame-t-il. Abraham par qui le mal serait arrivé pouvait-il mourir d’une douce vieillesse et ses descendants qui n’auraient rien fait expieraient son crime ? La famille de Jacob est la proie des pires mésententes, mais finit ses jours dans la quiétude en Egypte et le D-ieu de Justice aurait attendu leur mort pour punir leurs enfants ? Non ! dit le Maharal, il ne faut surtout pas chercher les causes de l’esclavage égyptien dans le péché des ancêtres.
Dans une approche tout à fait originale, le Maharal exprime même l’hypothèse que certaines des fautes des ancêtres devaient avoir lieu pour que se réalise le plan divin : la mise en esclavage des juifs. En effet, explique le Maharal, cet esclavage est annoncé à Abraham au début de son histoire personnelle : « Sache que tes enfants seront étrangers dans un pays qui n’est pas le leur ; on les réduira en esclavage et on les fera souffrir durant quatre cents ans » [2]. L’esclavage d’Egypte était donc prévu avant même qu’Abraham et les enfants de Jacob ne commettent de faute. Il ne peut donc pas s’agir d’une punition.
Maharal explique alors que la mission d’Israël est d’amener la foi en D-ieu. Abraham est le premier homme qui a intégré la dimension de la foi dans son existence quotidienne. Reconnaître en D-ieu non seulement Le Créateur, mais un « Compagnon » de la vie quotidienne était une idée tout à fait révolutionnaire.
Abraham, explique le Maharal, était, certes, le précurseur de cette idée, mais il n’avait pas encore atteint le sommet de cette qualité. De plus, cette foi en D-ieu qui caractérisait la personne d’Abraham devait devenir l’apanage de la nation tout entière. Seule une expérience historique pouvait permettre aux enfants d’Israël d’intégrer dans l’âme nationale cette croyance en un D-ieu qui s’installe dans l’histoire :
Dans une première étape, l’esclavage égyptien devait réduire les juifs à l’état de choses. Tant matériellement que spirituellement, ils devenaient insignifiants. Ils furent asservis à l’Egypte, la plus grande puissance de l’époque. Dans ce pays-là et dans ces circonstances-là, créer à partir d’une famille d’immigrés, un peuple, relevait de la plus folle utopie.
Aussi lorsque, dans une seconde étape, ce rêve impossible devint une réalité, lorsque les bourreaux de la veille se noyèrent dans le Nil, plus aucun doute ne pouvait-il plus habiter les juifs et c’est ensemble qu’ils proclamèrent leur foi en D-ieu Le tout Puissant ainsi que l’atteste le verset : « ils crurent en D-ieu et en Moïse Son serviteur. » [3] L’esclavage d’Egypte n’était donc pas une punition, mais une nécessité pour amener Israël à réaliser sa mission.

ARCHETYPE
Ramban et Abarbanel ont vraisemblablement refusé cette interprétation au nom d’une compréhension large de la notion de libre-arbitre. Ils ne souhaitent pas que l’on lise l’histoire juive comme la résultante d’un déterminisme historique dans lequel le rôle de l’homme serait réduit à la portion congrue.
Pour expliquer Ramban et Abarbanel, il faut peut-être ajouter qu’ils ont compris que les péchés qu’ils ont condamnés chez Abraham et chez les fils de Jacob étaient l’expression de la problématique juive de tous les temps.
Le mot punition doit vraisemblablement être compris dans un sens plus large ; il ne s’agit pas d’une punition qui atteindrait la génération d’Egypte pour une faute commise par leurs ancêtres, mais bien qu’eux-mêmes portaient en eux les mêmes défauts d’Abraham et des enfants de Jacob, d’une manière peut-être encore aggravée. Car les défauts relevés par Ramban et Abarbanel sont les archétypes du problème juif.
La relation avec Israël, l’identité juive et l’unité du peuple sont aujourd’hui encore des pierres d’achoppements.
En Egypte déjà, les hébreux apprirent à leurs dépens qu’il ne fallait pas imiter le départ d’Abraham en Egypte, les temps de quiétude en exil ayant toujours une fin. Ils expérimentèrent aussi que l’assimilation – qu’Abraham avait symbolisé en appelant sa femme sa soeur – ne permettait pas aux juifs d’être acceptés dans les pays qui les accueillaient et que les dissensions étaient un obstacle pour leur libération.

Engageons-nous tous ensemble sur le chemin d’Israël dans la voie de la fidélité !
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[1] dans Gvourot Hachem, chap. 9
[2] Genèse 15, 13
[3] Genèse 14, 31

 

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