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Vayikra – Le coeur brisé

Vayikra – Le coeur brisé

Rav Shaoul David Botschko
Sous quelque forme qu’ils se présentent, les sacrifices sont caractérisés par une constante : ils doivent être impérativement exempts de tout défaut[1]. En effet, il vaut mieux ne rien offrir qu’apporter en sacrifice un animal que l’on ne voudrait pas garder pour soi même. Ce serait une insulte.
Cette loi est facile à comprendre : le sacrifice représente un effort de l’homme pour se rapprocher du Créateur et la possibilité lui est offerte de manifester son respect pour D ieu et d’exprimer les sentiments d’amour qu’il a pour le Tout-Puissant. La Ola, en particulier, témoigne de la soumission de l’homme et la combustion intégrale, sur l’autel, de l’animal qu’il apporte en sacrifice, est le symbole de sa capacité à renoncer à tout pour D ieu.
Une exception toutefois: l’oiseau apporté comme Ola. La Thora ne mentionne pas qu’il doit être parfait et la Halakha retient : même un oiseau qui présente un défaut peut être offert[2].
Dans le sacrifice, la bête n’est pas exterminée mais au contraire élevée par sa destination sacrée.
Ainsi les lois concernant l’abattage des bêtes sont elles déduites de l’abattage des bêtes destinées à être montées sur l’autel.
Le Temple est l’endroit où l’homme affine son caractère; et comme D ieu demande à l’homme de la noblesse dans tous ses comportements, c’est à partir des lois des sacrifices qu’il apprend comment apprêter une bête pour s’en nourrir.
Dans le même esprit, le sang est recueilli dans un récipient, puis projeté tout autour de l’autel.
Ensuite, l’animal est proprement dépecé avant d’être consumé sur l’autel.
Pour l’oiseau, tous les gestes sont empreints de violence : il n’est pas abattu à l’aide d’un couteau bien aiguisé, mais on lui coupe la nuque avec les ongles (Meliqua) puis on presse le cadavre pour en faire couler le sang sur l’autel[3].
Rav Samson Raphaël Hirsch explique que le sacrifice d’oiseau représente celui de l’homme qui souffre :
« L’oiseau, dans l’Ecriture, représente l’homme sans protection, poursuivi et plongé dans le malheur et l’affliction comme un oiseau égaré. Dans des versets des Proverbes (26, 2 et 27, 8) et d’Isaïe (16, 2), il représente l’image de la fuite et des déportations; les versets « comme des oiseaux pris au piège[4] » expriment une vie placée sous la menace continuelle, le summum du malheur même. Pour qualifier une lamentation, on dit d’ailleurs « se lamenter comme une colombe »[5] .
Dans la Ola, l’abattage représente l’esprit de sacrifice, le giclement du sang autour de l’autel la mise au service de D ieu de toutes ses actions, la combustion du sacrifice l’agrément par D ieu des efforts de cet homme. C’est d’ailleurs un feu venu du ciel qui consume le sacrifice[6].
L’homme qui souffre ne peut présenter à D ieu son esprit de sacrifice, il est comme déjà sacrifié, sa vie ne semble plus avoir de sens, il ne peut que supplier D ieu d’agréer sa souffrance.
Que peut on demander à cet homme, la perfection de ses intentions ?
Certes non; il est habité par des sentiments de révolte qu’il ne peut réprimer.
Il n’a même pas la force de prendre en charge son sacrifice, c’est le Cohen qui devra obligatoirement procéder à la mise à mort de l’oiseau[7] (alors que celui qui amène un animal comme sacrifice peut procéder lui même à l’abattage même s’il n’est pas Cohen[8]); cet homme a besoin de soutien et il doit être accepté tel qu’il est, sa souffrance couvrant les imperfections qui sont celles de tous les mortels.
Celui qui apporte une Ola doit suivre un long chemin avant de pouvoir mériter sa rencontre avec D ieu. Il sacrifie d’abord l’animal au nord de l’autel[9], point géographique qui représente le monde matériel d’où il vient, puis il s’approche de D ieu en faisant gicler le sang autour de l’autel[10] ; c’est alors seulement que l’animal pourra être consumé sur l’autel[11], consacrant ainsi sa rencontre réussie avec D ieu.
L’être que la souffrance rend si humble arrive jusqu’à D ieu par un raccourci saisissant. La « Meliqua » se fait sur l’autel, le sang est pressé sur la partie supérieure du Mizbéa’h, témoignant ainsi que D ieu lui même, en l’agréant, donne un sens à sa peine.
« Le coeur brisé et en peine, D ieu, Tu ne le méprises pas[12] ».
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[1] Voir par exemple (Lévitique 1, 3) et (Lévitique 22, 17 à 25)
[2] Rachi sur Lévitique 1, 14
[3] Lévitique 1, 15
[4] Lamentations 3, 53 et Ecclésiastes 9, 12
[5] Isaïe 38, 14
[6] Lévitique 18, 14 et Rachi sur 1, 8
[7] Lévitique 1, 14
[8] Rachi sur Lévitique 1, 5
[9] Michna Zeva’him 1, 4
[10] Lévitique 1, 5
[11] Lévitique 1, 8
[12] Psaumes 51, 19

 

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