Rav Shaoul David Botschko – Vayigach – Fuite devant la responsabilité ou reproches voilés

« Et maintenant, ce n’est pas vous qui m’avez envoyé ici, mais Dieu ; et Il a fait de moi un père pour Pharaon et le seigneur de toute sa Maison, et gouverneur de tout le pays d’Égypte. » Genèse xlv, 8

Tel est le discours que Joseph tient à ses frères lorsqu’il se dévoile à eux. Eux, ses frères, n’ont rien fait !

L’intention de Joseph est-elle de disculper ses frères de toute responsabilité ? Dieu les aurait-il poussés à vendre leur frère et à commettre ainsi l’une des fautes les plus graves qui se puisse envisager ? La Thora stipule clairement : « quiconque vole un homme d’entre ses frères et le vend, mourra. » Il n’y aurait eu ici ni vol ni vente, mais œuvre divine.

Cela semble contraire aux fondements du judaïsme ; Maïmonide l’affirme sans ambiguïté (Règles du repentir, v, 1) : « la liberté est donnée à chacun de pencher vers la voie bonne et d’être un Juste et s’il veut pencher vers la voie mauvaise et être un méchant, la liberté est sienne. »

Il est possible que les propos de Joseph lui soient dictés par la pureté de son cœur. Il console ses frères qui regrettent maintenant le mal qu’ils lui ont fait. Il leur dit en substance qu’il ne s’est rien passé de terrible puisque « tout est bien qui finit bien ». C’est de Dieu que cela a été et cela nous dépasse. Cela témoigne de la noblesse de Joseph.

Mais peut-être est-il plus juste de dire que Joseph veut leur faire comprendre que s’il est vrai qu’il est à présent un personnage important et respecté et qu’ils peuvent s’imaginer que c’est grâce à eux, tel n’est pas le cas. Vous êtes de terribles personnes qui ont commis un acte abominable. Mais le Saint-béni-soit-Il m’est venu en aide et a fait de moi « un père pour Pharaon ». Vous n’avez en cela aucun mérite. Le Saint-béni-soit-Il a transformé le mal que vous avez fait en bien.

C’est là un terrible reproche, formulé avec délicatesse.