Vayichla´h – Notre combat avec Yichmael et Edom
Rav Nahum Botschko
La paracha de Vayichla’h voit la fin du long conflit entre Ésaü et Jacob, dont l’apogée a été le face à face de Jacob avec l’ange tutélaire d’Ésaü, suivi de la rencontre conciliante des deux frères.
Le conflit avait commencé alors qu’ils étaient encore dans le sein de leur mère, ainsi que la Thora le décrit : « les enfants se culbutèrent en son sein », ce que Rachi commente en disant : « ils se coursaient l’un l’autre, se disputant l’héritage des deux mondes. »
Vint ensuite, la transaction concernant l’aînesse et la dispute au sujet des bénédictions d’Isaac. Il s’est avéré a posteriori que le processus démarche divin avait indiqué clairement que c’était Jacob qui avait été choisi pour être le successeur d’Isaac et de Rivqa.
Contrairement à la lutte de Jacob et d’Ésaü, celle d’Isaac et de Yichmael avait été beaucoup plus aisée. Yichmael n’était pas le fils de Sarah, l’épouse d’Abraham et la maîtresse de maison, mais celui de Hagar, la servante de Sarah. Sarah elle-même avait décidé que Yichmael n’était pas digne d’être l’héritier d’Abraham et elle a ordonné à Abraham :
« chasse cette servante et son fils, car il n’héritera pas, le fils de cette servante, avec mon fils, avec Isaac. »
Et de fait, Abraham a chassé Hagar et Yichmael de sa maison. La Thora ne nous présente aucun autre face à face belliqueux entre Isaac et Yichmael. Les versets décrivant la fin de la vie d’Abraham disent :
« et Abraham donna tout ce qu’il possédait à Isaac et aux fils des concubines qu’Abraham avait eues, Abraham donna des cadeaux et il les éloigna d’Isaac son fils. »
Le Talmud raconte (Sanhédrin 91a) :
« Nos maîtres ont enseigné : les descendants de Yichmael et ceux de Qétoura ont cité Israël à comparaître devant le tribunal d’Alexandre de Macédoine. Ils lui dirent : le pays de Canaan est à vous et à nous… Guéviha ben Passissa leur répondit : il est écrit qu’“Abraham donna tout ce qu’il possédait à Isaac et aux fils des concubines qu’Abraham avait eues, Abraham donna des cadeaux.” Le père qui a partagé ses biens de son vivant entre ses enfants et les a écartés les uns des autres, ceux-ci peuvent-ils avoir des réclamations les uns vis-à-vis des autres ? »
La contestation avec Yichmael et les autres enfants d’Abraham a donc été réglée en faveur d’Isaac sans équivoque.
Rabbénou Nissim de Gérone explique (Drachot Haran, 2ème dissertation) :
« C’est de cette manière qu’il faut comprendre l’exégèse de nos maîtres (Méguila 6a) selon laquelle l’expression “une nation l’emportera sur l’autre” (Genèse 25, 23) et l’expression “Je vais être comblée, puisqu’elle est ruinée” (Ezéchiel 26, 2) signifie qu’elles ne peuvent être semblables en leur grandeur, mais que si l’une est comblée, l’autre doit être ruinée. Et la question qui se pose est de savoir pourquoi d’entre toutes les nations il faut qu’il en soit ainsi d’Edom ? […] Et la raison en est que du fait qu’il ne convient à aucune nation d’être jalouse de Jacob, il lui est possible d’exercer une grande domination sans dominer Israël. Car la domination des nations qui s’exerce en leurs pays et leur aire linguistique ne gêne en rien Israël, n’ayant rien qui les oppose, mais Ésaü, dès qu’il en a le pouvoir, son cœur s’enorgueillit à l’idée de s’élever au-dessus de son frère, car il est l’aîné et en son partage il s’affirme être lui aussi prétendant au trône, car nous avons tous un même père… c’est ce qui rend inéluctable qu’Ésaü d’élève parmi les nations si ce n’est au temps où Jacob et sa descendance accèdent à la royauté. »
En d’autres termes, aucune nation n’a de contestation à l’égard d’Israël et rien n’empêche donc qu’elles exercent leur souveraineté en parallèle d’Israël, sauf Edom parce que ce dernier se considère digne de la royauté et voit en Israël un rival.
« La geste des pères signifie pour les fils. » Les racines du conflit entre Israël et les autres nations s’enracinent dans les événements bibliques et « il n’y a rien de nouveau sous le soleil ». Mais voilà, apparemment, aujourd’hui, les choses ont changé. Notre combat pour notre existence dans notre pays, Eretz-Israël, c’est à Yichmael qu’il nous oppose, alors qu’on « s’arrange » avec les Enfants d’Edom. Ce qui est incompatible avec le modèle exposé ci-dessus.
Mais de fait, il faut envisager les choses sous un autre angle. Entre Isaac et Yichmael, il n’y avait pas de véritable différend. En effet, Yichmael avait été chassé de la maison d’Abraham du vivant de celui-ci et il n’y a pas de contestation à ce sujet[1]. Les descendants de Yichmael continuent de nos jours à harceler le peuple d’Israël, mais il n’y a pas de conflit culturel entre nous. On ne voit pas de Juifs s’assimiler à la culture islamique ni être influencés par sa conception du monde. Par contre, le véritable conflit culturel, c’est entre Israël et Edom – la culture occidentale – qu’il se joue. Celle-ci, pour notre malheur, s’infiltre en nous de mille manières et exerce son influence sur nous. Dans le monde entier, de nombreux Juifs sont très attachés à la culture européenne et américaine et s’éloignent de leur culture propre, de la lumière de la Thora et des mitzvoth qui sont supposées apporter la lumière de Dieu dans le monde. Cette lutte peut être occultée et clandestine, mais elle est en vérité bien plus grave et plus dangereuse que celle qui nous oppose aux Enfants de Yichmael. Il s’agit de la lutte essentielle pour la sauvegarde de l’identité, pas pour l’existence[2] et l’on sait qu’en fin de compte c’est par la force de l’esprit qu’on l’emporte.
Nous sommes assurés de ce que la prophétie d’Obadia se réalisera : « les messies monteront au mont Sion pour juger la montagne d’Ésaü et la souveraineté reviendra à Dieu. »
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Traduit par Rav E. Simsovic