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Vayichla´h – L’appel d’une mère à une mystérieuse nourrice

Vayichla´h – L’appel d’une mère à une mystérieuse nourrice

Rav Shaoul David Botschko

 

La nourrice de Rivka est un personnage célèbre. Deux versets de la Thora lui sont consacrés:
Lorsque Rivka quitta ses parents pour se marier avec Isaac, le texte précise qu’elle était accompagnée de sa nourrice[1]. Ce personnage apparaît une deuxième fois dans la Paracha de Vayichla’h. On nous livre alors son nom, Deborah. C’était au moment de sa mort et elle se trouvait chez Jacob qui revenait de chez Laban. Jacob s’occupa de l’enterrer et dut beaucoup la pleurer car il nomma l’arbre au-dessous duquel il l’ensevelit, « l’arbre des pleurs »[2].
Les sages d’Israël s’étonnèrent que Jacob eût tant de chagrin à la disparition de cette femme. Ils expliquent qu’il pleurait également sa mère qui serait morte à la même époque.
Pourquoi donc le texte rapporte t il explicitement la mort de Deborah et par allusion seulement celle de Rivka?
Ramban explique que ce silence est l’expression de l’anonymat total qui entoura la disparition de Rivka. Son mari était presque complètement aveugle et ne pouvait prendre soin d’elle; Jacob son fils bien aimé était parti depuis des décennies déjà. Son fils Esaü était le seul qui aurait pu encore se consacrer à son enterrement, mais il avait été rejeté par Rivka qui ne pouvait tolérer sa conduite infâme. Des amis de Rivka empêchèrent alors ce sacrilège en l’ensevelissant subrepticement la nuit dans le caveau de Ma’hpéla. Cette matriarche remarquable termine sa vie dans des conditions les plus tragiques.
Mais avant de mourir, elle délivra un ultime message à son fils Jacob. En effet Rachi explique au nom de Rabbi Moché le Conteur, que Deborah avait été envoyée par Rivka pour chercher Jacob qui n’était pas encore rentré de son long séjour chez Laban. Elle n’envoya pas n’importe qui pour le chercher. C’est sa vieille nourrice qu’elle chargea de cette mission. Cette femme n’était pas une personne insignifiante. Yonathan Ben Ouziel dans sa traduction araméenne interprète le terme de nourrice « Ménéket » en hébreu par le mot « pédagoguit », c’est-à-dire que Deborah avait été l’éducatrice de Rivka. Elle qui n’avait qu’un modeste statut d’employée chez Betouel, le père de Rivka, avait en fait une grandeur d’âme insoupçonnée qui lui avait permis de transmettre à Rivka des valeurs qui étaient complètement absentes dans cette famille de bergers idolâtres et voleurs.
C’est peut-être pour cela qu’elle s’appelle Deborah, « Parole », détentrice des valeurs. À la fin de sa vie, elle va devenir le porte parole de Rivka, son ancien élève, devenue sa maîtresse.
Rivka lui confie une mission à un moment critique; c’est sans aucun doute son instinct de mère qui a entendu la souffrance de son fils Jacob. Longtemps Jacob était resté identique à lui même, d’une foi et d’une confiance en D ieu inébranlables. Jeune, il se consacrait aux choses spirituelles; Lorsqu’il fuit Esaü, il s’en alla étudier quatorze ans dans la Yechiva de Chem. Puis, une fois entré dans la vie active, il travailla quatorze ans pour se marier et encore six ans pour acquérir quelques biens. Entre-temps, il était devenu le père d’une grande famille, sans jamais se départir de ses valeurs[3]. C’est donc un homme comblé qui prend le chemin du retour.
Mais ce retour ne se fait pas sans embûches; Jacob doit non seulement affronter des épreuves qui viennent de l’extérieur, Laban et Esaü qui veulent le détruire, mais il est aussi confronté à la dislocation de sa famille. Voici que sa fille Dina « sort » avec un homme du pays, que deux de ses fils, sans en référer à leur père, assassinent tous les habitants de la ville qui avait protégé le séducteur de Dina. Puis finalement Jacob doit enterrer des idoles possédées par les membres de sa famille. Le retour en Israël, au lieu d’être un moment d’élévation tourne à la catastrophe.
Rivka sa mère, douée d’une vision prophétique comprend que c’est l’absence des parents qui avait lentement amené cette dégradation. Certes Jacob lui même pouvait résister à cette épreuve, mais ses enfants ont souffert de l’aliénation causée par ce long exil qui les éloignait de leur mission, déracinés qu’ils étaient de leur famille et de leur pays.
Certains commentateurs vont jusqu’à dire que la foi de Jacob lui même s’était quelque peu altérée. C’est ainsi que Rabbi Moché Alchi’h Hakadoch pense que D ieu n’acceptait pas que Jacob ait tant d’angoisses malgré toutes les promesses qu’il avait reçues de Dieu.
Deborah, cette vieille nourrice, représente les racines les plus anciennes du judaïsme avec lesquelles il est nécessaire de se réconcilier si l’on veut réussir le retour dans la mère patrie. Rivka qui était restée solide comme un roc, cette mère qui protège et qui défend ses enfants, en envoyant Deborah, appelle son fils pour qu’il revienne avant qu’il ne soit trop tard. Jacob avait perçu du lointain l’appel de sa mère et c’est sur le chemin du retour qu’il rencontre Deborah. Elle a alors le droit de mourir.
Il l’enterre sous un arbre, parmi ses racines, témoignant qu’il a compris le dernier message de sa mère.
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[1] Genèse 24, 59
[2] Genèse 35, 8
[3] Rachi Vayichla’h sur 32, 5

 

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