UN MIRACLE POUR RIEN ? Shaoul David Botschko
Le septième jour de Pessa’h, nous fêtons et lisons la traversée miraculeuse de la mer Rouge par nos ancêtres. Quelques jours auparavant, après une année de merveilles, les Égyptiens laissèrent partir les Hébreux, se soumettant à toutes leurs exigences.
Mais voici que Dieu donne l’ordre au peuple qui fuyait l’Égypte de faire demi‑tour ! Pharaon croit alors que Dieu a abandonné son peuple, que le moment est déjà venu de prendre la revanche. Les Égyptiens reprennent courage, se mettent à la poursuite du peuple juif que Dieu bizarrement accule à la mer… Ce sera une nouvelle occasion pour Dieu de manifester Sa Puissance. Ce sont les Égyptiens qui seront engloutis par les flots après avoir donné aux enfants d’Israël.
Au risque de paraître sacrilèges, on pourrait comparer le Tout-Puissant à un homme qui jette son prochain à l’eau, puis plonge pour le sauver et demande ensuite d’être reconnu comme un sauveur !
Les Sages de la Haggada insistent sur le fait que ce n’est pas Moïse qui sortit les Hébreux d’Égypte mais que c’est Dieu Lui‑même, sans l’intermédiaire de quiconque, ni d’un ange ni d’un messager, qui les libéra. Pourtant, lors de la traversée de la mer Rouge, le texte affirme : « Ils crurent en Dieu et en Moïse Son Serviteur. » (Exode 14. 31)
Lorsque Dieu demanda à Moïse de sortir d’Égypte les enfants d’Israël, il refusa jusqu’à ce que Dieu accepte de lui adjoindre Aaron. C’est alors que Dieu dit à Moïse cette phrase étonnante : « Voici le signe que c’est Moi qui t’ai envoyé ; lorsque tu sortiras ce peuple d’Égypte, il Me servira sur cette montagne. » (Exode 3, 12)
Quelle est la valeur d’un signe qui ne se produira que plus tard ?
On peut comprendre ainsi le dialogue entre Dieu et Moïse Son Serviteur : la vocation de Moïse est de recevoir et transmettre la loi, la Torah ; c’est lui qui étudiera quarante jours et quarante nuits sans boire ni manger jusqu’à ce qu’il comprenne tout ce que Dieu avait autorisé à l’homme de comprendre. C’est par amour pour son peuple qu’il refusait de les libérer, car il ne voulait pas que leur libération soit conditionnée par leur acceptation de la Loi. Dieu, Lui, voulait inscrire dans l’Histoire que la libération des Hébreux est liée au respect des commandements. Dieu céda en partie. C’est Lui‑même, Dieu, le Charitable, qui fit sortir les enfants d’Israël, Moïse n’était alors que son bras. Que les Hébreux soient ou non méritants, la grâce divine et les promesses contractées envers les patriarches imposaient leur libération.
Mais ceci n’était qu’une apparence, qui ne dura qu’un laps de temps très court, celui de la sortie d’Égypte proprement dite ; cependant l’intermédiaire choisi était quand même Moïse, le législateur que Dieu avait désigné.
Non ! Le monde n’est pas régi seulement par la charité, la punition terrible qui s’abattit sur les Égyptiens en est la preuve. Il n’est pas suffisant de sauver les enfants d’Israël, il faut que ceux qui noyèrent des enfants juifs périssent à leur tour par cette mort horrible qu’ils avaient infligée à leurs semblables.
Lors de la sortie d’Égypte, les Hébreux bénéficièrent de la Bonté divine ; ils crurent alors en Dieu. Mais c’est lorsqu’il fit périr les Égyptiens qu’ils crurent en Moïse Son serviteur.
Ils étaient alors mûrs pour recevoir la Torah, où Dieu leur manifestera Sa bonté infinie en leur dévoilant Sa loi.