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Tetsavé – Générosité selon les hommes et selon la Thora

Tetsavé – Générosité selon les hommes et selon la Thora

Rav Nahum Botschko
Les instructions concernant l’édification de l’autel des parfums figurent à la fin de la paracha de Tétzavé[1] ce qui est surprenant, parce que celles concernant les autres objets du culte – dont cet autel fait partie – ont déjà été données à Moïse ci-dessus dans la paracha de Térouma. Pourquoi les instructions concernant l’autel des parfums n’ont-elles pas été écrites dans la Thora à leur place ?
Il faut comprendre aussi pourquoi la Thora lie l’offrande des parfums à l’allumage du chandelier[2] : « et Aharon y brûlera l’encens des parfums, lorsqu’il allumera les lumières, il le brûlera, lorsqu’il fera monter les lumières au crépuscule du soir il le brûlera. »
Le rav Naftali Tzvi Yéhouda Berlin – dit le « Natziv » – écrit dans son commentaire sur la Thora, Ha‘ameq davar, explique que l’encens a pour objet de rappeler devant Dieu les œuvres généreuses d’Israël et il en développe magnifiquement la démonstration. Il souligne le fait que la générosité procède de la dimension humaine de l’homme, « de sa conscience humaine », et non de l’intériorité de son âme et n’est pas considérée comme étant « au nom du ciel » comme une mitzva habituelle. Cela s’exprime dans l’encens. Il explique ainsi ce que nos Sages ont enseigné à savoir que l’encens expie la mal disance[3], qui est une faute grave dans les relations entre l’homme et son prochain. Le rappel des actes de générosité des hommes les uns vis-à-vis des autres expie la faute de lachon hara‘ – la mal disance – qui sévit entre eux.
De même que l’enseignement selon lequel l’encens enrichit le cohen qui le présente, parce que de même que l’homme jouit déjà en ce monde des « intérêts » de la générosité, le principal lui étant mis de côté pour le monde qui vient, de même l’encens qui est offert en regard d’elle, enrichit lui aussi. Le Talmud[4] relate :
« Rabbi Yéhochoua‘ ben Qor‘ha dit : voici ce qu’un vieillard m’a raconté. Je suis allé une fois à Chilo[5] et j’y ai respiré le parfum de l’encens entre ses murs. »
Le Natziv objecte qu’a priori il y aurait dû-t-y avoir à Jérusalem une trace bien plus intense du parfum de l’encens, puisqu’à Chilo il n’a été présenté que durant 300 ans alors qu’à Jérusalem cela a duré plus de 800 ans ! Et d’expliquer :
« mais étant donné que les fondations de Jérusalem étaient dans la sainteté de la Thora… ce qui n’était pas le cas à Chilo… et que la sainteté du sanctuaire de Chilo tenait tout entière à la générosité abondamment présente dans la tribu de Joseph » l’encens occupait à Chilo une place plus prédominante.
Le Natziv poursuit, expliquant la différence entre l’autel d’airain et l’autel des parfums :
« Or, de même que les commandements régissant les relations de l’homme à Dieu sont limités de par la Thora et ses lois au temps et aux conditions de l’action, de même le sang aspergé sur l’autel externe où étaient présentées les offrandes y était agréé avec les limitations de chacune au nombre des aspersions, des libations et des offrandes. Et de même que la générosité n’a ni limite ni mesure, de même n’y a-t-il nulle prescription[6] quant à la quantité d’encens à brûler sur l’autel.
Dès lors, la raison pour laquelle les instructions de l’édification de l’autel des parfums situé dans l’enceinte intérieure du sanctuaire a été séparée des autres objets et ustensiles du culte situés à proximité de l’arche sainte, source de la puissance de la Thora. L’autel des parfums n’était quant à lui soumis qu’à très peu de lois et règlements et il n’a été mis face à la tenture du Saint des saints et l’arche du témoignage que pour soutenir la force de la Thora orale grâce à la générosité. »
D’autre part, le rapprochement entre l’allumage du chandelier et l’offrande des parfums nous enseigne qu’il doit y avoir des relations de réciprocité entre les lumières qui relèvent de la discussion et de l’approfondissement de la Thora et sa diffusion et l’encens qui renvoie à la générosité. La discussion de la Thora est impossible sans la générosité car celle-ci doit recevoir un renfort à la dimension humaine qui est la sienne de la part de l’étude de la Thora.
Citons, pour finir, les propos du rav Abraham Isaac Kook au paragraphe 11 de la Morale de sainteté :
« il ne faut en aucun cas que les sentiments religieux – la « crainte du ciel » – repousse la morale naturelle de l’homme, car alors ce ne serait plus une pure crainte religieuse. Le signe de la pureté de la crainte religieuse tient à ce que la morale naturelle, implantée dans la droiture naturelle de l’homme, va s’élevant grâce à cette crainte à des niveaux plus élevés que ceux où elle se tiendrait sans elle. »

Traduit par Rav E. Simsovic
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[1] Chemoth 30, 1 à 10.
[2] Ibid., versets 7 et 8.
[3] Le terme « médisance » renvoie en français à la calomnie, c’est-à-dire à un discours à la fois malveillant et mensonger. Le lachon hara‘ consiste à mettre en évidence l’aspect négatif de la conduite d’une personne, voire à nuire gratuitement en révélant ses secrets, mais il n’est pas mensonger. Traduite littéralement, l’expression signifie prêter sa langue au mal. (NdT)
[4] Yoma 39b.
[5] Lieu où le sanctuaire construit par Moïse dans le désert a séjourné durant l’époque des Juges. (NdT)
[6] De par la Thora, mais la Sages ont prescrit une mesure le matin et une mesure l’après-midi.
Traduit par Rav E. Simsovic

 

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