Rav Shaoul David Botschko – La mitzva de la semaine : Parachat Vayétsé – Apprentissage et application
Les vaillants élèves de la yeshiva Beit Matityahou[1] ont organisé la cérémonie du mariage et des sept bénédictions traditionnelles pour un soldat isolé, sans famille. Ils ont aussi travaillé à préparer des tzitzioth pour des soldats qui en demandent.
Cela a profondément déplu au directeur spirituel de la yeshiva qui s’est violemment opposé à un tel « abandon de l’étude la Thora ». Voici comment sa position a été résumée sur le site [2] behadre hadarim :
« Ainsi que cela a été noté, à la suite de ces événements, le directeur spirituel s’est exprimé sur l’initiative de jeunes étudiants qui estiment nécessaire de participer à l’effort de guerre, répétant et insistant sur le fait que la guerre véritable se mène dans la maison d’étude et que toute participation à d’autres initiatives – même s’il ne s’agit pas de manifestations impropres en elles-mêmes – ne relèvent pas des obligations d’un étudiant de yechiva ; et au contraire, elle comporte comme un mépris de la reconnaissance de l’importance du rôle et de la valeur de ceux qui œuvrent dans la Thora et qui soutiennent le monde.
Et voici en quels termes le Rav s’est exprimé :
« Nous ne sommes pas associés à leur effort de guerre. Ce sont eux qui sont associé à notre effort de guerre. C’est ainsi que doit penser un “ben-Thora”, jeune engagé dans la Thora. Nous devrions être associés à l’effort de guerre et leur attacher des tzitzith !? Leur organiser les sept bénédictions !? Ce sont eux qui sont associés à notre effort de guerre. Nous sommes le véritable « front » et eux, ce sont les « diligents du mensonge ». C’est ainsi que doit penser un ben-Thora. »
Le rav Touvia Novick, Directeur de la yeshiva Knesset Israël, s’en est pris lors d’une causerie aux étudiants s’étant portés volontaires pour faire des tzitzioth pour les soldats, qualifiant le fait d’« œuvre du Satan ».
Contrairement aux propos du Rav, la Thora nous enseigne que « c’est Hachem qui [te] donne la force de faire des prouesses » [3]. Autrement dit, nous, nous devons agir, et nous prions pour obtenir Son aide. Il est interdit de s’en remettre exclusivement à nos seules forces et il est aussi interdit de croire qu’un miracle se produira sans que nous ayons à intervenir. C’est pourquoi nous vouons une gratitude immense à ceux de notre peuple qui se donnent sans réserve à assurer notre sécurité.
De plus, la conception selon laquelle on ne sert Hachem que par l’étude et pas par la pratique des mitzvoth nous paraît contraire à la tradition d’Israël. Dans notre paracha, Jacob sortant de Beercheva en route pour ‘Haran, prie pour obtenir l’aide d’Hachem et s’engage à deux choses à son retour au pays (Genèse xxviii, 22) :
« Cette pierre que j’ai posé comme stèle sera Maison de Dieu et de tout ce que Tu me donneras, je T’en dîmerai la dîme. »
En d’autres termes, il s’engage à construire une Maison où on Le servira, où l’on priera et où on étudiera la Thora et et de plus il s’engage à donner de la Tsedaka. Thora et bienfaisance généreuse tout ensemble !
D’ailleurs, dans les Maximes de Pères (chapitre iii, 9), les Sages critiquent sévèrement ceux qui ne s’occupent que de Thora et ne pratique pas la générosité :
« Rabbi ‘Hanina ben Dossa enseigne que chez celui dont la crainte de sa faute précède sa sagesse, sa sagesse se maintient, et quiconque dont la sagesse précède la crainte de sa faute, sa sagesse ne se maintient pas. Il enseigne aussi : celui dont les actes sont supérieurs à sa sagesse, sa sagesse se maintient et celui dont la sagesse est supérieure à ses actes, sa sagesse ne se maintient pas. »
Et d’une manière encore plus vive, les propos de rabbi Eléazar ben ‘Azaria (ibid., michna 17) :
« Celui dont la sagesse est supérieure à ses actes, à quoi ressemble-t-il ? À un arbre dont les branches sont nombreuses et les racines minimes. Vient le vent et il le déracine et le renverse sur sa face, comme il est dit (Jérémie xvii, 6) “Pareil à la bruyère dans les landes, il ne verra point venir de jour propice ; il aura pour demeure les régions calcinées du désert, une terre couverte de sel et inhabitable”. Mais celui dont les actes sont supérieurs à sa sagesse, à quoi ressemble-t-il ? À un arbre dont les branches sont peu nombreuses et les racines puissantes. Même si tous les vents du monde s’acharnent contre lui, ils ne le bougent pas de son lieu, comme il est dit (Jérémie xvii, 8) “II sera tel qu’un arbre planté au bord de l’eau et qui étend ses racines près d’une rivière : vienne la saison chaude, il ne s’en aperçoit pas, et son feuillage reste vert : une année de sécheresse, il ne s’en inquiète point, il ne cessera pas de porter des fruits”. »
Les étudiants de cette yéchiva ont donc bien agi et, avec l’aide d’Hachem, ils bénéficieront de toutes les bénédictions matérielles et spirituelles.
[1] Établissement de hautes études talmudiques de Bné Brak, appartenant au courant orthodoxe lituanien.
[3] Cf. Deutéronome viii, 18.