Rav Shaoul David Botschko – La mitzva de la semaine : Parachat Ki Tetsé – Don d’organes
C’est l’une des mitzvoth les plus importantes d’enterrer le mort le plus rapidement possible et de ne pas laisser la dépouille exposée comme sans défense (Devarim xxi, 22–23) :
« Quand un homme aura commis un crime qui mérite la mort et qu’il aura été exécuté, tu le pendras au gibet. Tu ne laisseras pas son cadavre passer la nuit sur le gibet, car tu auras soin de l’enterrer le jour même, car un pendu est une offense à Dieu, et tu ne dois pas souiller ton pays, que Hachem, ton Dieu, te donne en patrimoine. »
Même la dépouille d’un condamné à mort mérite des égards car l’homme porte la marque de son Créateur et même s’il a fauté – et gravement – il reste néanmoins un homme. Après sa mort, il faut qu’il soit dignement enterré comme il se doit. C’est un commandement explicite de la Thora et sa transgression est grave.
De notre temps, les progrès de la science rendent possible le prélèvement d’organes (cornées, reins, cœur, poumons…) et leur transplantation permettant de soulager voire de sauver la vie de patients en souffrance.
L’obligation d’enterrer le mort (et d’autres considérations) ont conduit certains décisionnaires à s’opposer aux transplantations. Cependant, nombreux sont ceux qui ont fait valoir que le sauvetage d’une vie contrebalance tous les interdits de la Thora, sauf l’idolâtrie, le meurtre et la débauche. Les opposants objectent que le mort est quitte de toutes les mitzvoth et certains ajoutent qu’il ne pourra peut-être ressusciter s’il n’a pas été enterré entier.
Même s’il est vrai que le mort est quitte de toutes les mitzvoth, rien ne l’empêche de veiller à ce qu’après sa mort ses héritiers puissent accomplir des mitzvoth avec son corps, de même qu’il peut léguer des biens à des œuvres charitables. De plus, l’obligation d’enterrer incombe aux vivants et ce sont eux qui sont amenés à y sursoir en cas de transplantation.
Dieu n’a besoin de rien pour ressusciter les morts. Toutes les victimes brûlées vives par l’Inquisition et toutes les victimes des fours crématoires seraient-elles condamnées par ces décisionnaires à ne pas revivre, parce qu’ils n’ont pas été enterrés selon les règles! Maïmonide ne dit-il pas dans l’Epitre sur la résurrection des morts que notre foi en la résurrection témoigne elle-même de notre foi en la création du monde ex nihilo.
D’ailleurs, le rav Unterman [1] écrit : » est-ce qu’un organe transplanté est mort ? Certes non ! il continue de vivre dans mon propre corps et ce n’est que la partie du corps qui est vraiment morte que nous avons le devoir d’enterrer ».
Tout cela pour dire que c’est une grande mitzva de de signer une carte de donneur d’organes et de prévenir la famille de ne surtout pas s’opposer au sauvetage d’une vie sous le prétexte de préserver l’intégrité du corps (hélas, en Israël, l’avis de la famille reste prépondérant même si le défunt a fait savoir explicitement qu’il tenait à ce que ses organes puissent être prélevés.) L’opposition de ces familles est une grande iniquité. Non seulement portent-elles la responsabilité de la mort des patients qui auraient pu être sauvés, mais elles suppriment de plus l’immense mérite que le défunt pouvait ainsi s’acquérir.
Par bonheur, nous constatons que de plus en plus de familles, en ces moments de la plus grande tristesse, gardent assez de lucidité pour accepter de sauver des vies. Notre Thora est appelée « Thora de vie » et quiconque n’en sauve ne serait-ce qu’une est considéré comme ayant sauvé un monde tout entier.
[1] Grand-Rabbin achkenaze d’Israël de 1964 à 1972.