Pessah : du devoir de se considérer comme sorti soi-même d’Égypte
Pessah : du devoir de se considérer comme sorti soi-même d’Égypte
Rav Nahum Botschko
Tous les jours, au moment de la lecture du Chema Israël, tous les chabbat et tous
les jours de fête pendant la prière et le qiddouch, et encore en bien d’autres
occasions, nous rappelons l’événement de la sortie d’Égypte. La fête de Pessah
elle-même, et le soir du Séder en particulier, sont consacrés au sujet de la sortie
d’Égypte.
Pourquoi cet épisode de notre histoire a fini par prendre une telle importance ?
Comment est-il possible, de plus, d’obliger chaque Juif à se considérer comme s’il
était lui-même sorti d’Égypte ? Cet événement s’est produit il y a plus de 3500
ans et nous n’y étions pas présents, si nos pères, eux, y étaient !
Rabbi Yitzhaq Eiziq Haver, auteur – entre autres – du commentaire Yad
Mitzrayim sur la Haggada, écrit :
« … de manière analogue au terme des jours de grossesse de la femme,
ainsi sont-ils sortis d’Égypte, comme l’embryon se détache du sein de sa
mère en grande hâte ; alors fut dévoilée leur grandeur et leur valeur, et ils
sont devenus un peuple à part entière…, de même que par nature, il est
difficile à celui qui doit naître de sortir d’un lieu étroit, ainsi en fut-il à la
sortie d’Égypte qui est appelée « nudité de la terre » ; et de même que lors
de l’accouchement les douleurs la saisissent et qu’elle crie dans les
souffrances de enfantement, de même la sortie d’Israël a provoqué les
plaies de l’Égypte et il y eut une grande clameur dans tout le pays
d’Égypte. »
Voilà une image extraordinaire comparant la sortie d’Égypte à une naissance, à la
manière du verset qui avait déjà dit : « un dieu a-t-il jamais tenté de se prendre
une nation du sein d’une [autre] nation… » ce qui nous enseigne que la sortie
d’Égypte n’est pas seulement délivrance de l’asservissement mais aussi – et peut-
être surtout – l’instant de la naissance d’Israël en tant que peuple.
Ce qui explique pourquoi nous rappelons la sortie d’Égypte presque à chaque
occasion ; nous n’avions pas, jusqu’alors, d’identité nationale propre, comme un
embryon dans le sein de sa mère. Ce n’est qu’à la sortie d’Égypte que la formation
de notre être s’est achevée (voir à ce sujet Guévourot Hachem du Maharal de Prague,
chapitre 3).
Mais il faut savoir que chaque date que la Thora nous a commandé de
commémorer, n’est pas seulement un événement historique s’étant produit dans le
passé, mais que chaque année se renouvelle de la part de Dieu, le même jour, le
même influx qui avait provoqué l’événement originel. « En Nissan ils ont été
délivrés, en Nissan ils sont appelés à être délivrés » et de la même manière pour
toutes les fêtes. Ainsi, chaque année, Israël vit une étape supplémentaire du
processus de son renouvellement et se rapproche de la délivrance ultime.
Ce qui est vrai de la collectivité d’Israël dans son ensemble est vrai aussi de
chaque individu. Chacun peut ainsi renaître et être délivré, sortir de son Égypte
personnelle, de ses diverses addictions et servitudes, sortir au sens strict de
l’esclavage à la liberté et se sentir en cela comme étant lui-même sorti d’Égypte.
Rappelons, pour conclure, les propos du rabbi de Slonim, auteur du Nétivoth
Chalom :
« En chaque génération, chacun a le devoir de se considérer comme étant
lui-même sorti d’Égypte, car en chaque année l’événement de la sortie
d’Égypte se renouvelle, le Juif se débarrasse de la gangue de l’Égypte, et
devient Juif membre du peuple élu pour une nouvelle année… et même s’il
était plongé jusqu’au quarante-neuvième degré d’impureté, la sainteté de
cette fête a le pouvoir de l’en sortir et il peut redevenir neuf comme un
converti venant de rejoindre Israël ou un enfant qui vient de naître. »
.
Traduit et adapté par Rav E. Simsowitch