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Vayigach – « Yehouda s’avanca vers lui »

Vayigach – « Yehouda s’avanca vers lui »

Rav Nahum Botshko

 

Le récit de la rencontre entre Joseph et ses frères a atteint son maximum d’intensité. La paracha précédente s’est achevée sur la catastrophe qui s’est abattue sur les frères de Joseph, et sur Yéhouda en particulier qui s’était porté garant de Benjamin : la coupe de Joseph qu’on les accusait d’avoir volée a été retrouvée dans les bagages de Benjamin.
Les frères, solidaires, déclarent que les voici tous esclaves du maître de l’Égypte, mais celui-ci, grand seigneur, refuse. Non point, dit-il, celui chez qui la coupe a été trouvée restera ici, quant à vous, retournez en paix chez votre père…
Yéhouda assume ses responsabilités. S’étant porté garant de Benjamin devant son père, il s’avance vers le maître de l’Égypte et entreprend de le persuader de renoncer à Benjamin et de le libérer. Pour ce faire, il déroule devant lui l’histoire de la famille.
Le « pourquoi » de cette approche n’est pas très clair. En quoi ce récit est-il sensé influer sur ce haut personnage ? Yéhouda n’est pas sensé savoir que c’est Joseph et que celui-ci ne pourra bientôt plus contrôler son émotion et se révélera à ses frères. Pour lui, il se tient devant un seigneur inflexiblement rigoureux – en quoi les affaires de famille de Jacob et de ses fils devraient-elles l’intéresser en quoi que ce soit ? Benjamin a été pris littéralement la main dans le sac, il doit en payer le prix ! Et il n’y a rien à ajouter. Alors à quoi bon ce plaidoyer-là ?
Le sens littéral du texte laisse entendre que Yéhouda cherche à obtenir l’impossible : il demande à se substituer à Benjamin. Il veut que Joseph accepte de le laisser prendre sur lui le poids de la faute et de laisser le petit frère retourner chez son père. Cette attitude témoigne d’une remarquable grandeur d’âme, d’une ferme résolution à assumer les responsabilités et les engagements pris vis-à-vis de son père Jacob, de sa promesse de veiller à ce que Benjamin rentre indemne à la maison.
Cette conduite poursuit l’éveil de conscience dont lui et ses frères ont déjà fait preuve lorsque, parlant entre eux, ils ont reconnu : « mais nous sommes bel et bien coupables pour notre frère dont nous avons vu la souffrance lorsqu’il nous suppliait et que nous ne l’avons pas écouté ; c’est pour cela que ce malheur nous survient maintenant. » Yéhouda et ses frères sont sur le chemin du repentir.
Mais cela n'explique pas pourquoi Yéhouda pouvait espérer que le maître de l’Égypte pourrait être sensible à sa plaidoirie et ferait suite à sa demande. Le Sefath Emeth (Premier exposé) explique le verset d’après les enseignements hassidiques : « Yéhouda s’avança vers lui » – il faut lire « vers Lui », vers Hachem qu’Il soit béni, et vers Joseph qui est de l’ordre de l’intériorité, de l’intimité. On sait en effet que l’attribut propre à Joseph est celui du Fondement qui fait allusion à la préservation de l’alliance de la circoncision, lieu de la relation intime de tout Juif avec son Dieu. « Yéhouda », chacun d’Israël, en tant qu’il rend grâce à Dieu pour chaque chose, grande ou petite, sachant que tout vient de Lui seul.
En temps difficile, tout Juif, tout Yéhoudi, doit s’avancer vers Dieu. C’est bien ce que fait Yéhouda ! Il se trouve dans une grande détresse.
Il effectue un profond travail intérieur, comprend que tout vient de Dieu. Il se fait absolument humble, effaçant tout égoïsme personnel. Il comprend que bien qu’il soit, d’entre les frères, celui qu’ils se sont donné pour chef, le puissant, le guide, le royal souverain, il n’a aucun pouvoir dans ce qui se passe. Il se reconnaît comme totalement insignifiant devant Dieu, Créateur du monde et souveraine Providence de l’histoire des hommes. Il s’avance donc vers Joseph, le point central de l’intimité ultime de chaque Juif, sans orgueil et sans prétextes. Il rejoue pour soi – mais devant lui – toute la succession des événements et découvre à nouveau que tout s’est fait de par la volonté divine. Rien de nouveau en ses propos, il souligne simplement l’intervention de la suprême volonté et lorsqu’il s’en est ainsi remis à elle, le résultat ne se fait pas attendre : « Joseph ne put se retenir davantage… »
Ceci est vrai pour quiconque se trouve dans la détresse ! Détresse morale, matérielle, médicale… un grand travail intérieur nous est demandé. Nous devons, bien sûr, faire tout ce qui est en notre pouvoir, tous les efforts qui dépendent de nous, tout en sachant que nous ne commandons pas aux événements. Nous devons – plus facile à dire qu’à faire – vivre authentiquement le fait que tout procède de Lui et après et qu’après nos efforts et nos prières, c’est la décision de Sa sagesse qui prévaudra.
Traduit par Rav E. Simsovic

 

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