Lag BaOmer
Le Lag BaOmer
Rav Nahum Botschko
Le Talmud, dans le traité Chabbat (page 33b) rapporte que rabbi Chimeon bar Yohaï et son fils rabbi Eléazar, recherchés par les Romains, ont vécu cachés dans une grotte pendant douze ans pour leur échapper. Ils y ont étudié la Thora jour et nuit et se sont élevé à des niveaux spirituels extrêmement élevés, au point que, sortis de la grotte et voyant des hommes labourant et semant, ils leur ont jeté des regards courroucés qui les ont transformés en monceaux d’ossements, parce qu’ils vaquaient aux affaires de ce monde au lieu de mettre leurs efforts dans l’étude de la Thora. Une voix céleste – une « fille de voix » – se fit entendre qui leur dit : « n’êtes vous sortis de votre caverne que pour détruire Mon monde ? Retournez-y ! » Ils y retournèrent et y restèrent encore douze autres années. Lorsqu’ils en sortirent à nouveau, le regard de rabbi Chimeon avait changé, s’était apaisé, à l’égard de la réalité mondaine. Et tout ce que le regard de rabbi Eléazar mettait en péril, le regard de rabbi Chimeon le guérissait.
Que vient nous enseigner cet apologue ? Comment est-il possible qu’après tant d’années d’étude de la Thora, étude supposée épurer l’homme et l’adoucir, rabbi Chimeon et son fils aient pu brûler et détruire tout ce qui déplaisait à leur regard? Le rav Abraham Isaac Hacohen Kook de vénérée mémoire explique (Eyn Aya sur Chabbat, chapitre 2, 272-273) que le monde est plein « d’une grande iniquité provoquée par un dysfonctionnement de la société ; l’homme s’est chargé d’une servitude méprisable en se laissant dominer par son imagination et ses appétits mauvais et s’est rendu de ce fait vil et méprisable lui-même. Tout ce qu’il y a de bien en lui s’en est trouvé affecté, altéré et défectueux, recouvert d’un nuage de stupidité et de méchanceté. »
Le mal est en quelque sorte à ce point ancré dans la réalité humaine que même les actes bons s’en trouvent toujours altérés et défectueux. Aux yeux de qui est tout entier pureté et sainteté, tel rabbi Chimeon et son fils, il semble qu’il faille tout détruire pour reconstruire un monde rédimé. « Un renouvellement depuis les fondations pour qu’il s’érige sur les bases de la sainteté et de la pureté. » c’est pourquoi rabbi Chimeon après douze années dans sa caverne où il n’avait nulle autre aspiration que l’attachement à Dieu, ne pouvait pas supporter de voir quoi que ce soit qui s’en écarte, même de ce que la Thora pourtant permet, si cela n’est pas directement lié au service de la sainteté ! Mais en vérité, la voix céleste retentit qui leur enjoint de retourner dans la caverne.
Il faut qu’ils comprennent que telle n’est pas l’attitude authentique. « c’est précisément du dedans de tous les maux, de tous les abaissements existant au présent et de tous les modes de vie détériorés, lorsqu’ils se seront réalisés avec tous leurs vices et leur laideur, que la suprématie leur aura été donnée tout le temps nécessaire dicté par la sagesse de Celui qui tout agence, béni soit-il, c’est précisément du dedans de tout ce mal et de cette laideur que poindra la lumière la plus sublime… »
C’est volontairement que Dieu a fait exister un monde défectueux, un monde où le mal est présent, afin qu’il parvienne progressivement à sa rédemption grâce au peuple d’Israël. Telle est le rôle de l’homme, de dévoiler le bien du dedans des tourments et de le rendre souverain dans la réalité du monde. Si le monde avait été créé « parfait », que serait-il resté à l’homme à faire ? Il semble qu’une grande espérance pour chacun de nous se révèle au travers de cette histoire. Si nous comprenons que nous ne réussirons pas en un jour à mettre au point les traits de notre caractère, nos midoth, et nos conduites et qu’il est d’autre part évident qu’on ne peut pas tout détruire pour reconstruire une réalité rédimée, mais que sept fois le juste tombera et il se relève !
Le rôle de l’homme est de se corriger progressivement jusqu’à atteindre au but. Il est intéressant de noter que c’est la hiloula, l’anniversaire de la montée au ciel, de rabbi Chimeon bar Yohaï, qui est celle où tout Israël se retrouve, y compris ceux qui sont éloignés de la Thora et des mitzvoth ; tous s’associent à l’allumage des brasiers qui représentent le dévoilement de la Thora secrète. Semble-t-il inconsciemment, tous comprennent que c’est précisément la Qabbala qui dévoilera le bien en chacun de nous au-delà de la multitude des écrans qui le cachent.