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La mitzva de la semaine par le Rav Shaoul David Botschko – Parachat Vayakel : L’intention de donner la tsedaka génère-t-elle une obligation contraignante ?

La mitzva de la semaine par le Rav Shaoul David Botschko – Parachat Vayakel : L’intention de donner la tsedaka génère-t-elle une obligation contraignante ?

La paracha traite longuement des dons apportés par les Hébreux pour la construction du Tabernacle. Ils ont été tellement généreux qu’il a fallu leur demander de cesser d’apporter (Chemot xxxvi, 5–7) :

« Ils dirent à Moïse : le peuple abonde à apporter plus que nécessaire au travail qu’Hachem à ordonné de faire. Et Moïse ordonna et on fit passer une voix dans le camp disant : homme et femme, ne faites plus de travail pour l’offrande de la sainteté et le peuple cessa d’apporter. Et le travail (déjà fait) leur était suffisant pour tout le travail (de construction du Tabernacle, de son mobilier et de ses tentures et des vêtements des Cohanim) – et davantage. »

La Thora use d’un mot important pour exprimer la générosité du peuple (Chemot xxxv, 22) :

« Et les hommes vinrent avec les femmes, tout généreux de cœur, apportèrent broche et bague et pendentif tout objet en or et tout homme qui balançait balancement d’or pour Hachem. »

Les Sages se sont interrogés à propos de l’expression « généreux de cœur » et ont conclu que quelqu’un qui a décidé en son cœur d’apporter une offrande au Temple devient ipso facto obligé de s’exécuter (Chevouot 26b) :

« Ce qui est sorti de tes lèvres tu le maintiendras et le feras. Je n’ai que le cas où il l’a exprimé, s’il l’a [seulement] décidé en son cœur qu’en est-il ? C’est pourquoi le verset à dit : généreux de cœur. »

Pourtant, celui qui fait vœu de faire ou de ne pas faire telle ou telle chose n’en a l’obligation que s’il l’a formulé explicitement, ainsi que le verset le précise (Nombres xxx, 3) :

« Celui qui fera un vœu pour Hachem ou fera serment de s’interdire un interdit sur sa personne, il ne profanera pas sa parole ; selon tout ce qui sera sorti de sa bouche – il le fera. »

Les Sages expliquent la différence entre un vœu ou un serment concernant une affaire personnelle[1] et la décision de donner une offrande au Temple. Ce dernier cas génère une obligation catégorique comme on le déduit de l’expression généreux de cœur utilisée à propos de la construction du Tabernacle.

Qu’en est-il d’une décision muette de donner de l’argent à un pauvre. Est-ce comparable à un vœu qui n’a de portée que s’il a été explicitement exprimé, ou bien est-ce comparable à la décision d’offrir un don pour le Temple qui génère une obligation dès qu’elle a été conçue ?

Rabbi Yossef Qaro, auteur du Choul‘han ‘Aroukh et rabbi Mochè Isserlès (dit « le Rema »), son commentateur qui précise la halakha pour le public achkénaze, sont en désaccord. Le Choul‘han ‘Aroukh déclare (Yoré Dé‘a 258, 12)  :

« S’il a dit qu’il donnerait à son prochain un cadeau, si c’est un pauvre, c’est comme un vœu et il n’a pas le droit de changer d’avis. »

Autrement dit, l’obligation n’est créée que par la parole, mais un engagement formel (qinyane) n’est pas requis comme dans le cas d’un tiers qui n’est pas un pauvre. Mais le Rema conteste (Yoré Dé‘a 253, 5) :

« S’il a pensé en son cœur de donner quelque chose pour la tzedaqa, il a l’obligation de réaliser son intention et il n’est pas nécessaire qu’il l’ait formulé explicitement. Et certains disent (Roch principe 13) que s’il ne l’a pas exprimé, c’est sans effet. Mais le premier avis est l’essentiel. »

Rabbi Yossef Qaro compare la décision de donner la tzedaqa à une affaire personnelle qui ne nécessite pas un engagement formel comme l’exige une décision impliquant un tiers. L’importance de la mitzva de tzedaqa est telle qu’elle crée une obligation pour l’homme à l’égard de lui-même, parce qu’elle donne un sens à sa vie. Le Rema élève le sujet encore d’un cran. Donner la tzedaqa n’est pas, dit-il, comme une affaire personnelle mais comme un engagement vis-à-vis du Temple. Le pauvre est aimé d’Hachem qui a souci de lui. Donner au pauvre, c’est comme s’engager dans le domaine de la sainteté et par conséquent l’intention suffit à elle seule pour générer un impératif catégorique.


[1] Telle que la décision de jeûner ou de ne pas manger tel aliment ou de consacrer tous les jours un temps particulier à l’étude et ainsi de suite. Dans tous ces cas, tant qu’il n’a rien formulé explicitement, son vœu n’a aucune portée pratique. Et même s’il l’a formulé explicitement, si le vœu implique un tiers, une simple déclaration ne suffit pas et il faut un engagement formel (qiyane).