La mitzva de la semaine par le Rav Shaoul David Botschko – Parachat Mikets : Obligation
Il existe un principe halakhique selon lequel le fait d’avoir dit quelque chose ne constitue pas un engagement formel, ne constitue pas une obligation. Un accord passé verbalement entre un vendeur et un acheter, celui-ci veut acheter et celui-là veut vendre, n’empêche aucun des deux de se rétracter. De même, l’accord donné par des ouvriers de venir travailler chez un employeur ou l’accord d’un patron d’employé des ouvriers n’est pas contraignant tant qu’il n’y a pas eu un acte formel (qinyane) ou un contrat en bonne et due forme signé par les parties. Cette halakha vise à protéger les personnes impulsives qui risquent de s’engager inconsidérément et à éviter les conséquences désastreuses de décisions hâtives prises sous pression.
Il existe cependant une exception : la garantie : Réouven demande à Chimeon de prêter une certaine somme à Lévi et il s’engage, en cas de défaillance de la part de ce dernier, à rembourser lui-même le prêt. Si Chimeon prête l’argent à Lévi, la garantie donnée par Réouven est contraignante sur la seule foi de sa parole.
Ce principe se déduit d’un verset de notre Paracha: Yehouda insiste auprès de son père qu’il l’autorise à amener avec lui Benjamin car l’homme fort de l’Égypte n’acceptera pas de les recevoir si Benjamin n’est pas avec eux (Genèse xliii, 9) :
« Et Yehouda dit à Israël son père, laisse venir l’enfant avec moi et nous partirons et nous irons et nous vivrons et ne mourrons pas ni nous, ni toi, ni nos enfants. Je m’en porte garant, de ma main tu le demanderas si je ne le ramène pas à toi et ne te le présente pas je serai pour toujours coupable à ton égard. »
Voici à présent l’analyse de ce verset donnée par le Talmud (Bava Bathra 173b) :
« Rav Houna enseigne : sur quoi se fonde le principe selon lequel le garant s’oblige (par sa seule déclaration) ? du fait qu’il est écrit – je m’en porte garant, de ma main tu le demanderas… »
Yehouda est devenu le garant de Benjamin et de ce fait il s’est offert en esclavage à la place de Benjamin (Voir Genèse xliv, 32–33).
La halakha stipule donc qu’une garantie donnée après la conclusion du prêt sans intervention préalable du garant pressenti ne devient contraignante qu’après signature d’un engagement en bonne et due forme, ceci parce que le prêt n’a pas été accordé grâce à l’intervention du garant. Si tel était le cas, l’engagement donné avant le prêt constituerait une obligation formelle et le garant ne pourrait pas se rétracter (cf. Choul‘han ‘Aroukh ‘Hochen Michpat 129, 1–2) :
« 1. Si Untel prête à son prochain et après le prêt Tel Autre déclare : je me porte garant ou, Untel poursuivant l’emprunteur en justice pour obtenir le remboursement, Tel Autre lui dit : laisse-le et je suis garant ou même qu’Untel agresse physiquement l’emprunteur en public pour l’obliger à le rembourser et Tel Autre lui dit : laisse-le et je suis garant, le garant n’est engagé en rien, même s’il a fait sa déclaration devant le tribunal.
2. Il leur a dit avant la remise des fonds : prête-lui et je suis garant, le garant a contracté une obligation et aucun acte formel n’est nécessaire. »
Dans le cas de la paracha, Jacob a accepté que Benjamin parte avec ses frères sur la foi des assurances données par Yehouda. Yehouda ne peut en aucun cas et d’aucune façon se dédire, même au prix de sa liberté.
De même, lorsqu’un État envoie des habitants s’établir dans une région donnée, ceux-ci y habitent sur la foi de l’engagement de l’État et celui-ci est tenu de leur fournir toute aide et assistance en cas de besoin et l’État doit faire tous les efforts les plus exigeants pour qu’ils puissent revenir aux lieux où ils ont investi leur vie.