La mitzva de la semaine par le Rav Shaoul David Botschko – Parachat Ki Tetsé : Intérêt
Nous découvrons dans cette paracha un interdit étonnant ! Il est interdit d’être la victime d’une exploitation (Deutéronome xxiii, 20) :
« Tu ne donneras pas d’intérêts à ton frère, intérêts financiers ou intérêts alimentaires, toute chose qui peut produire des intérêts. »
Nous avons déjà rencontré – dans la paracha de Michpatim et dans la paracha de Behar – l’interdiction faite au prêteur d’exiger des intérêts de la part du débiteur[1]. La Thora considère avec grande sévérité la tentative de tirer avantage de la détresse de son prochain.
Dans le cas d’un prêt à intérêts, ce n’est pas seulement le prêteur qui commet une faute. L’emprunteur est lui aussi coupable de collaboration à la faute. Les Sages affirment même que l’emprunteur commet deux fautes et pas une seule. D’une part, il transgresse l’interdit de donner des intérêts, c’est-à-dire qu’on ne doit pas permettre d’être exploité ; et, d’autre part, ayant sollicité le prêt de la part du riche prêteur en acceptant que ce soit à intérêt, il le pousse en quelques sortes à la faute, interdit qui s’apprend du verset (Lévitique xix, 14) « tu ne mettras pas d’obstacle sur le chemin de l’aveugle ». L’aveugle étant la personne induite à fauter et l’obstacle étant la faute.
Le Séfer Ha‘Hinoukh (Mitzva 572) explique :
« Il nous est interdit de donner des intérêts à un Juif comme il nous est interdit d’en exiger. C’est à ce sujet qu’il est écrit : “ Tu ne donneras pas d’intérêts financiers ou intérêts alimentaires à ton frère. Le Talmud (Baba Metzi‘a 75b) explique : “l’emprunteur transgresse l’interdit de donner des intérêts et celui de mettre un obstacle sur le chemin de l’aveugle…”
Et si l’interdiction n’était pas explicite, j’aurais pu croire qu’il s’agissait de l’interdiction faite au prêteur de prendre les intérêts, mais que si tel était le bon vouloir de l’emprunteur d’accepter d’être exploité, il en aurait le droit. »
Or, cette règle est étonnante. Non seulement avons-nous affaire à un pauvre homme dans le besoin, dont la précarité lui rend nécessaire d’obtenir un prêt pour survivre, mais voilà qu’on lui oppose deux interdits !
La Thora d’adresse ici à une personne que les aléas de la vie ont mis dans une situation difficile pour lui dire de ne pas remettre les problèmes à plus tard. Ce n’est jamais la bonne solution. Si on n’affronte pas les problèmes quand ils se présentent, ils s’accumulent et empirent. Autrement dit, ne t’adresses pas à un scélérat pour te sortir du pétrin. Agis comme il faut et adresses-toi à Lui pour qu’Il t’aide.
Voici quelqu’un qui manque d’argent. La solution facile, c’est d’emprunter à intérêts et résoudre ainsi le problème immédiat ; sauf que demain, la situation sera encore plus sombre. En plus d’avoir à faire face aux besoins courants, il faut aussi rembourser les intérêts…
Alors que faire ? Deux choses : d’une part, travailler plus pour augmenter les recettes ; d’autre part, se restreindre et réduire les dépenses. Bien entendu, en situation sociale normale, il peut aussi emprunter sans intérêts pour se donner le temps de se retourner.
La Thora nous éduque à agir tout en mettant notre confiance en Hachem. Celui qui a conscience du fait qu’il n’est pas seul dans le combat pour son existence agit dans le présent d’une manière qui n’hypothèque pas l’avenir. Il ne fuit pas. Il se lance à l’assaut des problèmes pour les résoudre.
L’interdiction de verser des intérêts au prêteur est l’obligation faite à l’homme d’agir tout en faisant confiance à Hachem qui n’abandonne pas ceux qui suivent le sentier de rectitude et font tous les efforts pour résoudre les problèmes de manière honorable au lieu de s’en remettre à des malfaisants qui n’auront pas pitié d’eux.
Ce qui est vrai pour la personne individuelle est vrai aussi pour l’État. Balayer les problèmes sous le tapis n’est pas une solution…
[1] À noter qu’il s’agit des situations où le prêt a un caractère charitable et non commercial ou d’investissement financier.