1 Tora mi-Tsiyon, Kohkav Yaakov, 9062200
02-9972023, 02-9974924,

Ki Tetsé – Le contrepoint

Ki Tetsé – Le contrepoint

Rav Shaoul David Botschko
"Et tout le peuple le lapidera avec des pierres, il mourra et tu élimineras le mal qui se trouve parmi toi et tout Israël verra et craindra[1]".
Quel crime abominable a-t-il commis pour mériter une telle punition ?
"Il", c'est un jeune homme de 13 ans environ, pas encore un adulte, mais plus tout-à-fait un enfant. Il s'appelle le fils "Sorer Oumoré", celui qui s'est écarté et révolté. Son crime ? Il a volé de l'argent à ses parents avec lequel il a acheté de la viande et du vin qu'il est allé consommer avec des brigands.
AUJOURD'HUI
La Guémara[2] s'est déjà interrogée sur la disproportion qu'il y a entre la faute et la peine :
Rabbi Yossi le galiléen disait : Est-ce bien pour le morceau de viande qu'il a mangé et pour le verre de vin qu'il a bu que la Thora l'a condamné à être lapidé ?
Il répond :
La Torah a examiné l'être profond du fils "Sorer Oumoré" ; elle sait que finalement il "terminera" l'argent de son père, recherchera son "habitude" et ne pouvant satisfaire ses désirs, il sortira et attaquera les passants; aussi la Torah dit: qu'il meure innocent et qu'il ne meure pas coupable, car la disparition des méchants est un bien pour eux (Rachi : car ils ne fautent plus) et un bien pour le monde (Rachi : qu'ils ne gênent plus) tandis que la mort des justes est un malheur pour le monde (Rachi : car ils auraient protégé leurs contemporains et éduqué leurs semblables).
Ce serait donc une mort préventive. Aujourd'hui il est innocent de crimes majeurs, mais demain il sera coupable. Où est donc la Téchouva ? Comment peut-on affirmer ce qu'il fera demain si le libre-arbitre est une réalité ?
Rabbi Yossi le Galiléen nous a donné des indications pour répondre à cette interrogation. Bien qu'il ait considéré cet enfant comme innocent il l'a appelé "Racha", méchant. C'est-à-dire, si son crime est petit, c'est que son âge l'est également. Transplanter son caractère dans un être vigoureux et dans la force de l'âge, et c'est aujourd'hui qu'il sera massacreur. Il insiste sur cette idée lorsqu'il dit que la Torah a examiné l'être profond du fils "Sorer Oumoré". Superficiellement ce n'est qu'un petit voyou, mais, en fait, c'est un être déjà perdu.
D'accord, aujourd'hui il est Racha, mais qui nous dit que demain il le sera encore ? Un homme qui a tenté d'assassiner mais a échoué dans son entreprise n'est pas punissable de mort même s'il est tout aussi méchant que si sa tentative avait réussi.
DROGUE
Ce n'est pas un quelconque voyou qui peut devenir "Sorer Oumoré" ; nos sages ont précisé dans quelles circonstances il devait avoir commis ses fautes pour être si sévèrement puni : s'il s'est laissé tenter par un bon morceau de viande ou par un vin délicieux, il ne devra que rembourser son larcin. Si même il a plongé sa main dans le porte-monnaie de ses parents pour s'acheter un quelconque jouet auquel il tenait tant, il sera, certes, puni mais sans plus. Le fils "Sorer Oumoré", lui, est comme drogué; il vole de l'argent à ses parents pour se procurer de quoi satisfaire ses envies, les avertissements ne servent à rien, il faut à tout prix qu'il trouve de l'argent pour acheter de la bonne chair et le vin qui lui permettent de "s'envoler".
C'est cette idée que défend Rabbi Yossi le Galiléen lorsqu'il dit que "finalement il terminera l'argent de son père" et lorsque son père n'en n'aura plus, il sera obligé d'attaquer tout un chacun pour satisfaire "ses habitudes" . Le seul espoir pour qu'il puisse trouver la force de sedésintoxiquer réside dans l'appui qu'il pourrait rencontrer chez ses amis. Mais même cet espoir est vain; il a déjà choisi sa compagnie, des brigands comme lui; le voudrait-il qu'ils ne lui permettraient pas de faire cet immense effort nécessaire pour s'amender.
Qui donc est responsable? Lui-même, est-on tenté de répondre: ses parents ne sont-ils pas l'image du couple parfait? La Guémara ne dit-elle pas: "Un enfant n'est déclaré "Sorer Oumoré" que si ses parents ont des voix semblables... et tout comme leurs voix doivent être semblables, ils doivent avoir la même taille et le même aspect[3]".
Avec des parents si merveilleusement assortis, la responsabilité du fils "Sorer Oumoré" n'en est que plus grande. Sa conduite devient non seulement inexcusable mais aussi incompréhensible".
COPIE CONFORME
En fait cette image idyllique des parents ne correspond pas toujours à la réalité. En effet, la Thora parle de son père et de sa mère", jamais de ses parents. La Guémara en conclut que les lois du fils "Sorer Oumoré" s'appliquent même lorsque le mariage des parents n'a pas de valeur juridique, car interdit; par exemple le mariage d'un frère avec sa soeur. Aussi le fils n'a pas de parents, ceux-ci n'étant pas mariés, mais il a un père et il a une mère. Ils ne sont pas des modèles de vertu...
C'est pourquoi il me semble que la Guémara voulait répondre à notre interrogation: comment se fait-il que cet enfant se soit ainsi écarté du droit chemin ? Et elle répond, ceci n'est possible que lorsque les parents ont même voix, même aspect, même taille. L'un est l'exact reflet de l'autre. Un mariage vrai, ce n'est pas aller à la découverte d'un autre soi-même, mais c'est établir une relation avec un Autre. C'est pourquoi, dans Béréchit, D-ieu dit "qu'un enfant abandonnera son père et sa mère pour aller vers sa femme", ce qui signifie qu'il doit aller au-delà de son héritage pour que ce qu'il a reçu ne reste pas stérile.
Les parents ont offert à leur enfant une voix unique, monotone et fade. Comment s'étonner alors que leur fils dont le seul avenir était d'être une copie conforme à ses deux parents sans couleurs, qu'il prit le parti de choisir une autre voie. Mais instruit de leur exemple, il s'associe avec lui-même pour passer son temps à manger et à boire.
Les voix des parents sont belles lorsqu'elles s'unissent au-delà de leurs différences.
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[1] Deutéronome 21, 21
[2] Sanhédrin 72a
[3] Sanhédrin 71a

 

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