Ki Tetsé – La sainteté du campement
Nahum Botschko
La fin de la paracha rappelle la guerre avec Amaleq qui s’est produite immédiatement après la sortie d’Égypte, avant le Don de la Thora. La Thora décrit la conduite d’Amaleq par les mots (Deutéronome xxv, 17-18) : « Rappelle ce que t’a fait Amaleq … qui t’a surpris en chemin et s’est jeté sur tous tes trainards… ». L’expression « qui t’a surpris » ne parvient pas à traduire les termes du verset – acher qarékha baderekh – expression déjà difficile en hébreu. Rachi en donne trois explications fondées sur les diverses connotations du verbe qarékha traduit ci-dessus par « t’a surpris ».
Dans sa deuxième explication, Rachi rattache ce verbe au substantif qéri qui désigne fondamentalement un accident, au sens littéral du terme, à savoir une chose qui survient de manière aussi soudaine que malencontreuse, telle en l’occurrence qu’une pollution nocturne : « pollution et impureté, car il les souillait par des pratiques homosexuelles. »
Mon père, le rav S.D. Botschko, a souligné le caractère surprenant de ce commentaire[1] ; rien, dans la description que la Thora donne de l’événement dans la paracha de Béchalah, ne semble correspondre à ce dont parle Rachi ici. D’où Rachi tire-t-il son accusation ?
Mon père s’interroge encore : comment Amaleq a-t-il pu porter atteinte à Israël, qui bénéficiait dans le désert d’une protection miraculeuse, sous la direction de Moïse, serviteur d’Hachem. Accompagné de la colonne de feu et de la colonne de nuées, mangeant la manne, le pain du ciel, buvant l’eau du puits de Myriam. Comment Amaleq a-t-il pu renverser ce rempart divin ? C’est qu’il avait compris que pour pouvoir vaincre Israël physiquement, il lui fallait d’abord l’affaiblir spirituellement et moralement. C’est pourquoi il s’est d’abord approché d’eux pour les rendre impurs et les faire fauter sexuellement et ce n’est qu’après qu’il leur a livré bataille. La spécificité d’Israël se manifeste dans le domaine de la sainteté et plus particulièrement dans les conduites liées à la sexualité[2].
Effectivement, la question de la « sainteté du campement » – plus particulièrement encore en temps de guerre – apparaît dans notre paracha encore deux fois, au début et au milieu de la paracha.
Elle commence par le sujet de la belle captive, que le combattant d’Israël a le droit d’épouser sous certaines conditions. On connaît le commentaire de Rachi à ce sujet (Deut. xxi, 11) selon lequel la Thora n’a parlé que par rapport à l’instinct du mal ; et Nahmanide a précisé qu’on sait bien que les troupes engagées dans leurs guerres se conduisent comme des brutes, mangeant n’importe quoi, pillant et violant ; même le plus honnête homme devient dans ces conditions pareil aux autres. La Thora, connaissant la nature humaine dans toutes ses manifestations, propose la solution halakhique répondant à ces circonstances en autorisant la belle captive.
Au milieu de la paracha (xxiii, 10), la Thora met Israël en garde : « lorsque tu partiras en campagne contre tes ennemis, tu te garderas de tout mal ; s’il se trouve en ta compagnie un homme qui ne soit pas pur des suites d’un incident nocturne, il sortira à l’extérieur du camp… Tu marqueras un lieu à l’extérieur du camp où tu pourras te soulager… » Autrement dit, c’est en dehors du camp que doivent se trouver résolus les problèmes liés aux souillures plus ou moins inévitables qui accompagnent la vie physique de l’homme. « car Hachem ton Dieu marche dans ton camp, pour te sauver et te livrer tes ennemis, c’est pourquoi ton campement sera saint. »
Le principe de la sainteté du camp d’Israël traverse notre paracha du début à la fin. Et la Thora souligne que la garantie de la victoire repose dans le respect de la sainteté du camp.
De notre temps, nous sommes dans un état de guerre perpétuel avec des ennemis qui cherchent à nous détruire. Il s’ensuit que les lois de la sainteté du camp s’appliquent à nous en permanence. Cette responsabilité n’incombe pas seulement aux soldats du front, mais au peuple tout entier. Nous sommes tous responsables les uns des autres, ne formant qu’un seul corps. Si nous nous efforçons de veiller à la sainteté de notre camp et à tout ce qui en relève, nous sommes assurés qu’Hachem nous soutiendra et qu’Il vaincra nos ennemis.
Traduit et adapté par R.E. Simsowitch
[1] Voir Les Lumières de Rachi, Ki Tétzé, page 170.
[2] Ibid., page 171 sq.