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Choftim – « Le policier authentique »

Choftim – « Le policier authentique »

Rav Nahum Botschko
La paracha commence par la mitzva de l’institution d’un système judiciaire : « Juges et policiers tu te donneras dans toutes tes portes », c’est-à-dire dans chaque ville et pour chaque tribu. Mais pourquoi la Thora parle-t-elle au singulier ?
On connaît, certes, le dire hassidique (Cf. Nétivoth Chalom, sur Choftim, 1er exposé) fondé sur l’enseignement de rabbi Hayyim Vital, le disciple par excellence du Saint Ari de Safed, cité par rabbi Yéchayahou Horowitz dans son ouvrage Chené Louhot Habrit (Chla) :
« Chaque homme possède plusieurs « portes » ; la porte de la vue, la porte de l’ouïe, la porte de l’odorat, la porte de la parole, la porte du toucher. Et l’homme doit s’instituer juge de toutes ses affaires, il doit être vigilent et c’est cela que veut dire “tu te donneras” au singulier – parce qu’il s’adresse à chacun en Israël, afin qu’il colmate toute brèche en ses portes… Chaque regard qu’un Juif porte doit être soumis à la question “qu’est ce que Hachem veut que je voie et qu’est-ce qui est contraire à Sa volonté ?” et de même pour l’ouïe ; la fonction peut être au service d’une mitzva, comme entendre des enseignements de Thora, et elle pourrait servir à entendre des choses défendues et d’autres encore qui sont permises. »
Ce qui signifie que l’homme doit prendre garde à la manière dont il use de ses sens et ne pas leur lâcher la bride, les laissant fonctionner à leur guise.
Mais jusqu’à quel point doit-on se garder de jouir des plaisirs de ce monde ?
Le traité Taanit (11a) rapporte la controverse suivante :
« Chmouel a enseigné : quiconque se complaît dans le jeûne est appelé “fauteur”. Rabbi Eleazar dit : il est appelé “saint”. »
La guémara explique que cette controverse au sujet du jeûne a son origine dans la discussion portant sur le statut du « nazir ». Chmouel adopte l’avis de rabbi Eleazar Haqapar selon lequel il a commis une faute en cela qu’il s’est interdit de boire du vin alors que rabbi Eleazar considère que la Thora l’appelle « saint ». Dès lors, quiconque s’astreint à des privations « pour la gloire de Dieu » devrait a fortiori être appelé « saint ».
Cette controverse a donné naissance à deux courants au sein des communaités juives. L’un, tel celui du mouvement moraliste de Novhardoq qui milite pour une conduite quasi ascétique. L’autre – et telle était la position de mon grand-père, rabbi Mochè Botschko זצ »ל–, pour qui le service de Dieu, la ‘avodat Hachem, doit réaliser une harmonieuse unité entre le corps et l’âme, non en s’abstenant de jouissances matérielles mais en se délectant des jouissances de sainteté.
Le passage talmudique cité ne tranche pas en la matière et la conclusion n’en est pas univoque. Les deux courants sont en fait plutôt entremêlés et chacune apporte des preuves à l’appui de ses thèses. Il me semble donc, à mon humble avis, que le servant Dieu authentique qui sait placer juge et policier à ses portes, doit apprendre à combiner les deux attitudes. Il est des temps, des situations, des états dans lesquels il faut savoir s’astreindre à des conduites du type ascétique. D’autres où il faut au contraire privilégier la recherche de l’harmonie.
Nous devons faire attention à ne pas suivre aveuglément et de manière outrancière l’une ou l’autre de ces conduites ; une telle attitude amoindrit et abîme l’être. Il faut se souvenir de ce que les deux sont vraies, l’une et l’autre sont « paroles du Dieu vivant », et il n’est pas admissible que l’une d’entre elles ne soit jamais valable. Mais il est possible que l’une d’entre elles ne soit pas pertinente pour notre génération. Mais en vérité, même l’état d’une génération peut changer et il n’est peronne qui, durant les soixante-dix années de sa vie, ne soit contemporain de plusieurs générations et ne traverse des situations contradictoires.
Le juge authentique que chacun instaure pour l’examen de sa conduite devra savoir ce qu’il lui convient de faire en tout temps et le policier authentique en aménagera les conditions pratiques et ainsi chacun pourra s’orienter convenablement dans la voie du service d’Hachem.

Traduit par Rav E. Simsovic

 

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