Rav Nahum Botschko : Bechala’h – Pourquoi D.ieu combat-il pour les Hébreux ?
Le peuple d’Israël sort d’Égypte et suit la colonne de nuées et la colonne de feu qui le conduisent jusqu’aux rives de la mer Rouge où il campe ; soudain, le peuple voit l’Égypte lancée à sa poursuite, toute la cavalerie des chars de Pharaon et son armée. Que faire ?
Le peuple crie vers Dieu, invective Moïse qui répond : « n’ayez crainte, calmez-vous et voyez le salut de Dieu qu’Il fera aujourd’hui en votre faveur ; car tel que vous avez vu l’Égypte aujourd’hui, vous ne les verrez jamais plus. Hachem combattra pour vous, et quant à vous, faites silence ! » (Chemoth xiv, 13-14)
Mais on ne peut pas ne pas s’interroger : comment est-il possible qu’une collectivité aussi nombreuse, qui compte pas moins de 600 000 hommes de vingt ans et plus, ne parvient pas à s’organiser pour créer un groupe de combat d’élite qui puisse s’interposer entre les Égyptiens et le reste du peuple pour se défendre et défendre leur famille ?
Le problème se pose avec d’autant plus de force que peu de temps après, nous le lisons à la fin de la paracha, les Hébreux sortiront en opération de représailles contre Amaleq qui les avait agressés. Moïse se dresse et ordonne à Josué : « choisis nous des hommes et va, guerroies contre Amaleq » (xvii, 9). Et Amaleq sera battu à plates coutures !
Pourquoi les Hébreux n’ont-ils donc pas cru devoir se dresser contre l’Égypte et lui faire face ?
Rabbi Abraham ibn Ezra répond à cette question : « les Égyptiens étaient les maîtres des Hébreux et cette génération avait été habituée depuis son plus jeune âge à en subir le joug ; les Hébreux avaient donc une attitude de soumission et comment auraient-ils pu affronter ses anciens maîtres, sans compter qu’ils étaient mous et n’étaient pas formés à l’art de la guerre. » Cela veut dire qu’Israël était incapable – matériellement et moralement – d’affronter militairement l’Égypte parce qu’il lui avait été trop longtemps asservi. Il convient de rappeler que jusqu’à ce moment-là, les Hébreux n’avaient pas eu à s’opposer militairement à leurs anciens maîtres, tous les événements ayant présidé à la sortie d’Égypte ayant été miraculeusement orchestrés par la Providence.
D’ailleurs, même durant toutes les années de la marche au désert, Israël sera comparé à un nourrisson porté par ses parents: « à la manière dont le nourricier porte le nourrisson. » (Nombres xi, 12) Manger la manne est comme téter le lait de sa mère . Les nuées de gloire protégeaient les Hébreux comme les parents protègent leur enfant dans leurs bras. Israël étant ainsi traité comme un petit bébé, c’est donc Dieu qui combat pour lui contre l’Égypte. Et il lui est même demandé de rester tranquille, c’est-à-dire de ne rien tenter par lui-même (voir Daat Miqra).
Toutefois, cette situation n’est pas destinée à perdurer. La Providence miraculeuse du désert sous la conduite de Moïse sera remplacée par une Providence plus « naturelle » sous celle de Josué, après l’entrée au Pays. Le peuple d’Israël connaît dans le désert un processus de maturation, passant du stade infantile à l’adolescence et à l’âge adulte, jusqu’à atteindre son autonomie. La génération sortie d’Égypte mourra dans le désert. La génération qui entrera dans le pays n’aura pas connu la soumission de l’asservissement à l’Égypte ; elle conquerra sa Terre par ses propres forces, avec l’aide de Dieu, et ne se reposera pas sur le seul miracle.
Ce processus de maturation commence déjà dans notre paracha, avec la guerre contre Amaleq. Là, Josué, le chef qui représente la conduite des affaires d’Israël selon l’ordre de la nature, s’est vu enjoindre de sélectionner les hommes qui iraient au combat contre Amaleq. Cette bataille aussi a eu son aspect miraculeux, mais ce fut un vrai combat qu’Israël dut mener, sans retenue !
Nous sommes témoins depuis déjà de nombreuses années de notre temps des événements qui constituent comme la germination des prémices des temps messianiques. Israël a secoué le joug de son asservissement aux nations du monde. Nous avons restauré notre indépendance nationale. Ce processus de restauration de l’indépendance politique ne se fait pas en un jour. Il requiert éducation et intégration.
Cela ne se fait pas comme en passant, sans qu’on y prenne garde. Nous devons, aujourd’hui encore, continuer à faire le tri afin de retirer l’ivraie de l’exil encore mélangée au grain des récoltes nouvelles, afin de retrouver notre identité hébraïque originelle et authentique :
« Ramène-nous à Toi, Hachem, et nous reviendrons, renouvelle nos jours comme ceux d’antan. »