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Rav Shaoul David Botschko – Parachat Vayechev – La frontière tenue

Rav Shaoul David Botschko – Parachat Vayechev – La frontière tenue

La mitzva de la semaine : Parachat Vayechev

La frontière tenue

Tamar est devenue veuve des deux fils de Yehouda. Ce dernier ne s’empresse pas de la donner à son troisième fils et lui demande d’attendre en son veuvage qu’il grandisse. Lorsque Tamar comprend qu’elle attend en vain, elle se déguise et séduit Yehouda et tombe enceinte de cette union.

Yehouda n’a pas identifié la femme à laquelle il s’est uni. Il ignore que c’était sa bru et lorsqu’il apprend qu’elle s’est méconduite et a conçu, il décrète (Genèse xxxviii, 24) :

« Qu’on la sorte et qu’elle soit brûlée ! »

Tamar n’a pas dévoilé publiquement le déshonneur de Yehouda, bien que sa vie ait été en danger. Elle lui fait comprendre discrètement qu’il est le père de l’enfant qu’elle attend, sachant que s’il n’avoue pas sa responsabilité, la sentence sera exécutée et elle sera brûlée. Le Talmud s’exprime sur cette conduite héroïque (Bava Metzia 59a) :

« Rabbi Yo‘hanan a enseigné au nom de rabbi Chim‘on bar Yo‘haï – il vaut mieux, pour l’homme, de se précipiter dans une fournaise ardente plutôt que de faire pâlir

[de honte]

le visage de son prochain en public. D’où le savons-nous ? de Tamar. »

Cet enseignement de rabbi Yo‘hanan risque parfois d’être dangereux ; est-il vraiment toujours préférable de taire les méfaits de quelqu’un pour ne pas lui faire honte ? Ce n’est pas ce que le traité Chabbat (40a) laisse entendre :

« Celui qui transgresse un interdit rabbinique, il est permis de l’appeler transgresseur. »

Ainsi, même celui qui n’a transgressé qu’un interdit rabbinique peut être dénoncé et on n’a pas à se soucier de son renom !

En quoi l’affaire de Tamar et Yehouda diffère-t-elle d’autres fautes ? Comment savoir quand se taire et quand parler ? Quand est-il permis de dénoncer quelqu’un comme transgresseur ?

Dans le cas de Yehouda et de Tamar, il y a lieu de tenir compte de deux détails importants :

  1. Tamar avait une certaine responsabilité dans la « chute » de Yehouda, puisqu’elle l’a séduite.
  2. Ce fut son unique chute.

Dans ces conditions, l’héroïsme de Tamar – préférant se taire plutôt que de faire honte à Yehouda – était justifié ; mais dans le cas de quelqu’un dont la conduite risque de nuire à la collectivité, il n’y a pas à hésiter et c’est un devoir de le dénoncer pour épargner d’éventuelles futures victimes.

La frontière entre l’obligation de protéger et l’interdiction de faire honte est ténue et elle n’est souvent pas très claire. On condamne peut-être un peu vite quelqu’un qui est peut-être innocent. Et parfois, une omerta empêche que justice soit faite et que les victimes soient protégées.

La Thora nous a tracé la ligne de démarcation ; à nous d’adopter son enseignement et à prendre garde de ne pas la brouiller.

Shaoul David Botschko