Vayikra – Les sacrifices et la prière
Rav Nahum Botschko
La paracha de Vayiqra nous introduit au thème du culte sacrificiel tel qu’il avait cours dans le Sanctuaire. Le talmud enseigne (Bérakhot 26b) : « les prières quotidiennes ont été instituées en rapport avec les sacrifices journaliers. » Ce qui signifie que l’office du matin, cha‘harith, correspond à l’holocauste perpétuel du matin, l’office de l’après-midi, min‘ha, correspond à l’holocauste perpétuel de l’après-midi et l’office du soir, ‘arvith, correspond à la combustion des membres et des graisses sur l’autel pendant le temps de la nuit (ibid.).
Certains, croyant se fonder sur cet enseignement, pensent de façon erronée que les prières ont été instituées à la place des sacrifices. Comme si, durant toute la période où le Temple existait, le culte des sacrifices aurait rendu les prières inutiles. Mais en vérité il n’en est pas du tout ainsi. Les prières et les sacrifices avaient cours tous deux et se complétaient les uns les autres. Il suffit de lire le commentaire de Rachi sur le passage cité ci-dessus : « ont été instituées en rapport avec les sacrifices journaliers – par les hommes de la Grande Assemblée. » Rabbi Yaaqob bar Chlomo ibn ‘Habib, « le rédacteur » du recueil des aggadoth du talmud connu sous le nom de ‘Ein Yaaqov, explique (§75) :
« Nous savons que la Grande Assemblée était composée de cent vingt Anciens ; les premiers d’entre eux ont vécu au temps d’Ezra qui était l’un d’entre eux, et le dernier de tous a été le grand-prêtre Simon le Juste. Le service du Temple1 avait cours encore de son temps, c’est-à-dire le culte sacrificiel, et cependant ils durent instituer des prières journalières correspondant aux sacrifices perpétuels et aux sacrifices additionnels (des jours de Chabbat et des fêtes). » De plus, les prières possèdent un avantage sur l’offrande des sacrifices (ibid. § 55) : « et ainsi la prière, du fait de sa grande valeur, puisqu’elle suffit sans sacrifice, a-t-elle cours en tout lieu, ce qui n’est pas le cas du sacrifice (qui n’a cours que dans le Temple de Jérusalem). » Autrement dit, le sacrifice comporte des conditions particulières et requiert un lieu spécifique, ce qui n’est pas le cas de la prière et c’est en cela que consiste sa valeur propre.
Celle de l’après-midi se situe au milieu de la journée, en plein cœur de l’activité de l’homme. Lorsqu’il s’y livre, qu’il s’agisse de ses affaires ou de ses études, toutes sortes d’idées étranges et impropres peuvent survenir à sa pensée, et il peut rencontrer toutes sortes de conduites tortueuses. La prière de min‘ha, en même temps qu’elle interrompt le cours de ses activités vient remettre l’homme sur les rails ; elle lui restitue en quelque sorte la boussole de la foi, de la moralité et de la loi. « Car l’instinct du cœur de l’homme le domine… côtoyant dans les affaires mondaines toutes sortes de gens sans foi ni loi et oublieux de Dieu… et la prière (min‘ha) lui rend l’objet de sa perte spirituelle lorsqu’il déverse devant Dieu le murmure de son cœur2. »
La prière du soir, ‘arvith, se particularise par le fait qu’elle se situe au temps de la nuit, au temps où couramment se brisent les barrières de la moralité. C’est le temps où se ruminent les envies inavouables, où les forces de l’impureté risquent de tout submerger sous couvert de l’obscurité propice de la nuit. Face à cela se dresse la prière du soir : « pour élever l’esprit de l’homme afin qu’il ne permette pas à son honneur de se laisser humilier par ces désirs pervers et qu’il ne faute pas contre la Thora et la moralité. » Ainsi l’homme se remémore l’objectif qui lui est assigné et que ces tendances obscures qui l’en détournent ne sont qu’illusions de jouissances procédant d’un égoïsme absolu. La spécificité de la prière du matin, cha‘harith, tient à ce que sa finalité vise « à éveiller les énergies de la personnalité de l’homme, à les ordonner en un ensemble structuré visant la sainteté, afin qu’elles soient capables de concevoir des pensées nobles, en justesse et en droiture, dans la crainte de Dieu et l’amour de Lui. »
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1 Il s’agit du deuxième Temple qui fut reconstruit par Ezra et Néhémie au retour de l’exil de Babylone.