Vayichla’h – Jacob et Israël
Rav Nahum Botshko
Au terme de la lutte avec l’ange, celui-ci a dit à Jacob (Genèse xxxii, 29) : que son nom a été changé de Jacob à Israël. Mais voilà que, malgré ce changement de nom, nous trouvons encore de nombreux passages où la Thora continue à l’appeler Jacob. Par contre, jamais Abraham n’est appelé autrement qu’Abraham après le changement de son nom lors de l’alliance de la circoncision (Genèse xvii, 5) . Plus encore, nos sages disent (Bérakhot 13a) que quiconque appelle Abraham « Abram » transgresse un commandement positif, ce qui n’est pas le cas pour qui appelle « Israël » du nom de « Jacob ».
Rabbi Hayyim ben Attar, dans son commentaire Or Hahayyim, explique (Genèse xxxv, 1) que le nom d’une personne exprime son essence et que le changement de nom ne constitue pas un changement d’essence mais l’addition d’une dimension supplémentaire. Les noms « Jacob » et « Israël » sont différents et représentent des natures différentes, chacun d’eux correspondant à des temps et à des situations qui lui conviennent. Mais le nom « Abraham » contient aussi le nom « Abram » et il ne convient donc pas de diminuer l’envergure d’Abraham en le réduisant à « Abram » qui représente un degré de réalisation d’identité inférieur. Nos sages ont expliqué que le nom « Israël » a été donné à Jacob comme nom supplémentaire, indice d’une perfection. L’idéal serait de s’élever à ce niveau qui s’appelle « Israël » et que le nom « Jacob » lui soit subordonné.
Le Rav A.I. Hacohen Kook (Ĕn Ăya, Bérakhot I, § 172), explique qu’il existe en l’homme et dans le monde énormément de forces et d’énergies bonnes et mauvaises. Les forces mauvaises sont des énergies puissantes qui doivent nécessairement se réaliser en acte car autrement les forces bonnes aussi risqueraient de rester en puissance et il en résulterait un état de manque et de faiblesse du bien. Mais il est dangereux que ces forces se réalisent sans obstacle ni empêchement. Les forces mauvaises requièrent l’action de « Yaăqov » dont la fonction est de s’agripper à elles et de les empêcher d’aller leur train sans restriction. C’est que signifie le verset concernant Jacob dont « la main agrippe le talon d’Ésaü », Esaü représentant les forces mauvaises. Jacob n’empêche pas sa venue au monde mais le retient par le talon pour limiter sa marge de manœuvre. Les forces mauvaises étant rapetissées, les forces de Jacob les dominent et alors le monde atteint sa perfection et la dimension « Israël » peut apparaître. Mais au temps de l’exil, la lutte se poursuit entre les forces bonnes et les mauvaises. Au temps de la Délivrance, lorsqu’Israël sera souverain, les forces grossières se soumettront à celles du bien et celles-ci en orienteront les énergies vers ce qui est utile et bon. Les domaines matériels tels que la Défense, l’Économie, la Technologie, seront des vecteurs du dévoilement divin dans le monde. C’est là, dit le rav, le sens du verset prononcé par l’ange : « tu as lutté avec dieu et hommes et tu en as été capable. » Le nom « Israël » montre que c’est lui le Prince qui gouverne et le responsable de l’ensemble des forces.
Mais souligne le Rav Kook que même dans la situation optimale, il est impossible d’annuler totalement la dimension « Jacob » car elle reste nécessaire au contrôle des forces matérielles afin qu’elles n’outrepassent pas les limites qui leur conviennent.
Puissions-nous tous – dans le domaine privé comme dans le domaine collectif – imposer leurs limites appropriées aux forces grossières et à nous élever afin de les mettre au service de Dieu.
Traduit par Rav E. Simsovic