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Vayechev, Vaye’hi – le sort d´un frère, le sort d´un peuple

Vayechev, Vaye’hi – le sort d´un frère, le sort d´un peuple

Vayechev, le sort d’un frère, le sort d´un peuple

 

Rav Shaoul David Botschko

Ils se dirent l’un à l’autre: « Voici ce rêveur arrive. Maintenant, allons y, tuons le, jetons le dans un des puits et nous dirons qu’une bête sauvage l’a dévoré; et nous verrons ce qu’il adviendra de ses rêves ! ». Reouven entendit; il sauva Joseph de leurs griffes; il leur dit: « Ne le frappons pas à mort ». Reouven leur dit: « Ne versez point de sang; jetez le dans ce puits qui est dans le désert, mais que votre main ne le touche pas », afin de le sauver de leur main et de le ramener à son père[1]

La conduite de Reouven semble remarquable; il a su, au moment critique, faire front seul contre tous ses frères pour sauver le plus jeune d’entre eux. Ce sont des qualités de chef qui siéent à un aîné. Pourtant c’est à son plus jeune frère Juda que reviendra le mérite d’avoir sauvé Joseph, Juda qui prit pourtant l’initiative de le vendre. En effet, dans la Paracha de « Vaye’hi », lorsque Jacob bénit ses enfants avant sa mort, il n’a que des paroles dures pour Reouven et c’est Juda qu’il félicita d’avoir sauvé Joseph. Certes, Juda avait été prêt à devenir esclave à la place de Benjamin et c’est alors que Joseph, devenu entre temps vice-roi d’Egypte, se dévoila à ses frères. Mais Juda est comparable à celui qui jette son ami par-dessus bord et qu’on remercie d’avoir plongé pour le sauver.

Un étonnant commentaire de Rachi sur le verset « pour le sauver » donnera peut être la réponse:
C’est le « Roua’h Hakodech » (Révélation divine) qui témoigne pour nous des véritables intentions de Reouven: il avait décidé de revenir sortir Joseph du puits; il s’était dit: « Je suis l’aîné et c’est sur moi que retombera la faute ».
Ce commentaire est surprenant:
a) Pourquoi Rachi a-t-il besoin de dire que les mots « pour le sauver » ont été prononcés par le « Roua’h Hakodech » , toute la Tora a été dite par Dieu?
b) Pourquoi Rachi, après avoir mis en valeur l’action de Reouven, en limite t il la portée en affirmant qu’il aurait agi par crainte du désaveu plutôt que par amour?

Une précision des sages du Talmud confirme ce que Rachi laisse ici sous entendre: l’innocence de Reouven n’est pas évidente. En effet, disent ils, le puits était infesté de serpents et de scorpions. On pourrait penser qu’il était tout simplement un lâche. Plutôt que de frapper lui même son frère, il avait proposé de laisser faire le travail aux serpents et scorpions. D’ailleurs, il abandonna Joseph dans le puits toute la journée et s’en alla servir son père comme si de rien n’était. C’est en son absence que Juda proposa de le vendre plutôt que de le laisser mourir.
Il est donc nécessaire que la Révélation divine dévoile les véritables intentions de Reouven.
Toutefois, Rachi limite la portée de sa bonne volonté; il a agi pour ne pas endosser la responsabilité envers son père. Comme il n’était pas guidé par des sentiments de pitié, il n’hésita pas à laisser Joseph seul des heures durant se débattre avec les serpents et les scorpions qui infestaient le puits. Celui qui avait pris conscience qu’il ne fallait pas tuer Joseph devait également lui épargner des heures de tourments terribles. Il ne mérita donc point la bénédiction paternelle.
Mais on peut proposer une autre lecture du texte.

Mon grand père, Rav Eliyahou Botschko zal, commente ainsi ces versets:
« Reouven entendit » il entendit la voix du moussar, la voix de la morale qui lui interdisait de tuer son frère.
« Il les sauva de leurs mains » il essaya d’abord de les convaincre de renoncer à leurs projets ;
lorsqu’il vit qu’on ne l’écoutait pas, « il leur dit, ne versez pas de sang ! jetez le dans le puits pour que ce ne soit pas votre main qui le tue »,
mais sa véritable intention était de « le sauver de leur main », c’est le « Roua’h Hakodech », c’est à dire la dimension prophétique de Reouven, sa consience et son coeur purs qui lui ont donné la force de renoncer à tuer Joseph[2].
Reouven n’a pas donc pas abandonné Joseph. S’il l’a laissé tout le jour dans le puits, c’était une ruse pour que ses frères ne l’empêchent pas de le sauver. C’était peut être aussi pour éduquer Joseph: Joseph le fils préféré de Jacob n’en avait pas toutes les qualités; c’était son orgueil qui le perdait. Reouven a voulu lui donner une « bonne leçon » pour le ramener à la raison, à un peu d’humilité, à prendre conscience qu’il n’était qu’un enfant qu’on doit « ramener à son père » et qu’il n’était pas un dieu devant lequel on doit se prosterner.

Malheureusement la stratégie de Reouven a échoué. Il n’était pas le chef que l’on suit et à qui l’on obéit. Finalement, les décisions importantes ont été prises en son absence. Finalement, il ne comptait pas vraiment et en ce sens, c’est à Juda que revient le rôle de guide et de roi. C’est Juda qui mérite la bénédiction paternelle.
Cet échec de Reouven a eu de funestes conséquences. Joseph sera vendu entraînant toute la famille à s’exiler en Egypte.
Celui qui se désintéresse du sort de son frère finit par le suivre dans le malheur. Si Joseph est vendu en Egypte, toute la famille le rejoindra.

C’est une constance de notre histoire. Ceux qui croyaient ne pas être concernés par la souffrance d’un membre de la communauté, ceux qui croyaient que ce n’étaient que les polaks, les ashkenazes ou les sefarades qui étaient en danger furent atteints à leur tour.

Aujourd’hui aussi, penser naïvement que les juifs des territoires ou d’Israël sont les seuls visés par les terroristes, serait une terrible erreur.
Il est urgent de se ressaisir!
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[1] Genèse 37, 19 à 21

[2] Or Hayahadout Parachat Vayechev

 

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