Vayechev – la lumière du Messie
Vayechev – la lumière du Messie
Rav Nahum Botschko
La paracha de Vayechev est pleine de « problèmes » : la vente de Joseph par ses frères, l’histoire de Yéhouda et de Tamar1 ,l’affaire de Joseph avec la femme de Putiphar et son emprisonnement… le lecteur ne peut que rester quelque peu ébahi : la famille de Jacob semble aller bien mal et tout semble aussi indiquer que les choses ne peuvent qu’empirer encore.
Il n’y a donc pas d’alternative à un examen scrupuleux qui nous permette de comprendre le sens de tous ces événements scabreux. Commençons par le midrach Béréchit Rabba 85, 1 :
« Il arriva en ce temps là… (Genèse xxxviii, 1) – rabbi Chmouel bat Nahman commence par dire : “Car Je connais les pensées” (Jérémie xxix, 11) ; les tribus2 étaient occupées à la vente de Joseph, Joseph se préoccupait de sa pénitenc3 ,Réouven se préoccupait de sa pénitence, Jacob se préoccupait de sa pénitence, Yéhouda se préoccupait de prendre femme et le Saint béni soit-Il s’occupait de créer la lumière du Messie »
Le midrach affirme donc que derrière tous ces événements problématiques se cache l’apparition du Messie ; le salut germerait du dedans des problèmes les plus difficiles. Nous savons bien, en effet, que l’union de Yéhouda et de Tamar engendre la lignée messianique d’où émergera la roi David ; nous savons aussi que grâce à la descente forcée de Joseph en Égypte la famille de Jacob sera sauvée de la famine. Le rav Tsvi Yéhouda Kook ajoute à cela une dimension supplémentaire (Entretiens sur la Genèse page 329) :
« pour que puisse émerger l’unité absolue de l’ensemble, il faut d’abord que soit soulignée dans toute sa force la spécificité unique de chaque tribu, avec toutes les complications terribles que cela comporte ; c’est de là que finalement germe la lumière du Messie. »
Après le récit de la vente de Joseph, Yéhouda nous a enseigné le processus de la téchouva authentique. Et de Joseph – que la tradition nomme Joseph le juste – nous avons appris que même là où règne l’impureté, il faut savoir résister avec vaillance aux tentations et aux séductions.
Nous assistons là à un phénomène extraordinaire, un phénomène dont les Sages eux-mêmes se sont étonnés, bien qu’ils se soient exprimés à mots couverts (Chabbat 77b) :
« …pourquoi les chèvres (généralement noires) marchent-elles en tête du troupeau et les brebis (généralement blanches) derrière ? Il lui dit : c’est conforme à l’ordre du monde ; depuis le temps de la création, l’obscurité précède la lumière. »
Ce phénomène se manifeste dans diverses situations physiques : la graine commence par pourrir dans la terre où elle est semée et ce n’est qu’ensuite germera, lancera ses racines et percera la surface du sol vers la lumière. La femme en couches traverse une période de douleurs intenses jusqu’au moment où son visage s’illumine de bonheur lorsqu’elle tient son nouveau-né dans ses bras. Les événements historiques répondent aux mêmes lois – et en particuliers ceux qui concernent l’histoire du Salut d’Israël. C’est du dedans de l’obscurité que naît la lumière et, comme le dit le Zohar (III [Tetzavé] page 184a) : « il n’y a de lumière vraie que celle qui procède de l’obscurité. »
Et c’est tout naturellement que la question monte aux lèvres : pourquoi faut-il qu’il en soit ainsi ?
Rabbi Mochè Hayyim Luzzatto s’étend sur la question de la Délivrance et des problèmes de bien et mal dans sont ouvrage Daăt Tévounoth ; nous présentons ici deux de ses explications :
a) « car voici que, même lorsqu’il [le mal] s’accroît et l’emporte encore, de cela aussi procède un bien, car c’est cela l’obscurité du sein de laquelle la lumière authentique sera reconnue »4 . C’est-à-dire que c’est l’obscurité de la nuit qui nous permet d’apprécier la valeur de la lumière du jour. Si la guéoula était l’état naturel du monde, ni Israël ni le reste du monde ne sauraient en reconnaître la grandeur ni l’importance.
b) L’existence du mal permet à l’individu et à la nation de choisir le bien et d’être ainsi des associés actifs du processus de la Délivrance (ibid., chapitre 40).
Ce sujet est certes fort complexe et constitue même un des fondements de la foi. Il y aurait certes encore beaucoup à dire à ce sujet. En ce qui nous concerne, nous devons prendre garde à ne pas désespérer dans les moments difficiles, tant dans la vie privée que dans la vie publique. Nous sommes convaincus que c’est précisément du dedans du mal et de l’obscurité que percera victorieusement une vive lumière – puisse cela être bientôt et de nos jours, amen !
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Traduit par R.E. Simsovitch
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1Il s’agit d’un épisode difficile de la paracha. Tamar est d’abord l’épouse du fils aîné de Yéhouda dont la mauvaise conduite fut sanctionnée par Dieu et il mourut sans enfants. Conformément aux règles du lévirat, son frère cadet l’épousa à son tour mais ne voulant pas lui donner d’enfant il détruisit sa propre semence et mourut à son tour. Yéhouda, refuse de marier son dernier fils à Tamar. Celle ci se déguisera en prostituée et attirera son beau pêre et de sa relation avec lui naîtra Peretz, ancêtre du roi David et du Messie.
2C’est-à-dire les fils de Jacob, appelés à devenir les pères des tribus d’Israël et que la tradition désigne déjà comme tels. À ce moment là, ce sont eux les tribus d’Israël.
3Littéralement « son silice et son jeûne ».
4Éd. Friedlander, vol. I, page 104.