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Vaet’hanan – Le Chabbat et la sortie d’Egypte

Vaet’hanan – Le Chabbat et la sortie d’Egypte

Rav Nahum Botschko

 

La paracha revient sur le récit du don de la Thora au mont Sinaï et sur les Dix Commandements déjà énoncés dans la paracha de Yithro dans le Livre de Chemoth.
La comparaison entre les deux textes fait apparaître un certain nombre de différences dans plusieurs des commandements. L’examen de ces diffé¬rences et de leur signification devrait nous permettre de découvrir de nouvelles dimensions de signification de chacun de ces commandements.
L’une de ces différences marquantes apparaît dans le commandement concernant le chabbat.
Dans la paracha de Yithro, le commandement de rappeler le chabbat contient le motif suivant : « car six jours durant Hachem a fait les cieux et la terre… et Il a cessé d’agir au septième jour, c’est pourquoi Il a béni, Hachem, le jour du chabbat, et qu’Il l’a sanctifié. »
Dans notre paracha, le motif est tout différent : « tu rappelleras que tu as été esclave au pays d’Égypte et qu’Hachem t’a fait sortir de là¬bas d’une main forte et d’un bras tendu, c’est pourquoi Il t’a ordonné, Hachem ton Dieu, de faire le jour du chabbat. »
Il ressort de la juxtaposition des deux parachiyoth que le chabbat comporte deux dimensions distinctes. Nahmanide résume cela dans son commentaire sur notre paracha (V, 13) :
« Deux raisons d’être du chabbat : d’une part, fonder et faire savoir le fait que le monde a été créé par un Dieu Créateur et, d’autre part, de rappeler aussi la grâce immense qu’Hachem nous a faite, que
nous sommes ces serviteurs qu’Il s’est acquis à son service. »
Ce qui conduit Nahmanide à poser immédiatement la question suivante : Que la foi dans la création du monde soit fondée dans le chabbat se comprend aisément ; de même que le Créateur a cessé d’agir dans Son monde au septième jour, de même devons nous le faire pour en témoigner.
Mais quel rapport entre le chabbat et la sortie d’Égypte ? Et de poursuivre en disant qu’en vérité l’essentiel du chabbat concerne la création du monde ; le rappel de la sortie d’Égypte a pour objet de renforcer la conscience de la finalité de cette création sous la Providence agissante de Dieu. Il écrit :
« S’il survenait quelque doute en ton cœur quant au chabbat qui indique la création du monde, la volonté intentionnelle et la puissance (de Dieu) réfères¬toi à ce que tes yeux ont vu lors de la
sortie d’Égypte qui te sers à la foi de preuve et de rappel. »
Autrement dit, s’il t’est difficile de réaliser le fait que Dieu a créé le monde, et qu’Il en dirige l’histoire, rappelle les miracles et les merveilles dont le peuple d’Israël a été l’objet lors de sa sortie d’Égypte et la Révélation manifeste par laquelle Il s’est dévoilé à nous ; ta foi et ta compréhension concernant la création du monde s’en trouveront renforcées. De fait, les Dix commandements dans l’ensemble sont introduits par l’identification de Dieu comme Celui qui a fait sortir Israël d’Égypte, de la maison des esclaves. C’est le fondement de notre foi. Nous étions en Égypte. Nous avons fait l’expérience de la sortie d’Égypte, alors que de la création du monde nous ne pouvons avoir par définition aucune
connaissance directe ni expérience. C’est en effet cela même que répond le Sage juif au roi des Khazars qui l’interroge sur le Dieu auquel il croit : « Je crois en le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, qui a fait sortir d’Égypte les Enfants d’Israël avec des signes et des miracles, qui les a sustentés dans le désert, qui leur a donné le pays de Canaan…1 »
Et ce, contrairement aux théologiens chrétien et musulman qui avaient répondu qu’ils croyaient au Dieu créateur du monde !
Mais s’il en est ainsi, se pose du même coup la question inverse : pourquoi alors cette dimension de preuve ne se trouve¬t¬elle que dans notre paracha, et non dans les « Premières Tables », dans les Dix commandements de la paracha de Yithro !?
Il existe un principe exégétique selon lequel, lorsqu’il existe des différences entre des textes parallèles, le contexte du sujet concerné éclaire ces différences. Les Dix commandements qui sont l’objet de notre étude actuelle se trouvent dans la paracha de Vaet’hanan, dans le livre du Deutéronome. Les circonstances globales dans lesquelles cette répétition s’effectue devraient donc nous guider dans notre quête d’une réponse. Le livre du Deutéronome dans son ensemble est le livre des préparatifs à l’entrée en Eretz Israël. Nous savons que l’un des dangers qui guettent Israël entrant sur sa terre est le fait qu’il y sera autonome et indépendant, qu’il n’y sera pas inféodé à une puissance étrangère. Indépendance politique et économique, abondance, tout ceci évoque le spectre de l’autosatisfaction béate dont menace le verset (Deut. VIII, 12¬14) :
« Peut¬être mangeras¬tu et seras¬tu rassasié, construiras¬tu de belles maisons où tu t’installeras, ton gros et ton menu bétail prospéreront, l’argent et l’or t’abonderont et tous tes biens se multiplieront, peut¬être ton cœur s’enorgueillira¬t¬il, et oublieras¬tu Hachem, ton Dieu, qui te fait sortir du pays d’Égypte, de la maison des esclaves… »
C’est pourquoi, dans les Dix commandements figurant dans le livre du Deutéronome, la Thora souligne le fait que le chabbat concerne aussi la sortie d’Égypte. Que Hachem nous a faits sortir de la servitude à la liberté, mais pas une liberté anarchique et sans foi ni loi ! Liberté qui nous met au service de Dieu. Ainsi que l’écrit rabbi Hayyim ben Attar, le Or ha-Hayyim ha-Qadoch (Deutéronome V, 14) :
« car le jour du chabbat comporte aussi une note de rappel pour l’homme de rappeler la sortie d’Égypte ; lorsqu’il chôme sans asservissement, il perçoit qu’Hachem délivre Son peuple de tous ses oppresseurs, ce qui le mène à accepter les décisions de son libérateur. »
« car c’est à Mon service que sont voués les Enfants d’Israël » (Lévitique XXV, 55), que nos maîtres lisent ainsi (Baba Metzia 10a) : « Ils sont à Mon service, et non esclaves d’esclaves. »

 

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