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Mikets – La royauté de Joseph et l’effort de vertu

Mikets – La royauté de Joseph et l’effort de vertu

Rav Nahum Botschko

 

Joseph est à peine tiré de la fosse où la vindicte de la femme de Putiphar l’avait fait jeter que le voici élevé à la dignité de souverain maître de l’Égypte, obtenant des honneurs royaux. Les Maîtres du Talmud expliquent dans un midrach que Joseph s’est acquis cette grande récompense justement parce qu’il s’est montré capable de résister à la séduction de la femme de Putiphar.
« Rabbi Chimon ben Gamliel a enseigné : Joseph s’est vu donné de ce qui était à lui. Sa bouche n’a pas donné des baisers indignes – “à ta bouche toute chose obéira”. Son corps a refusé tout contact indigne – “il le revêtit d’habits de lin”. Son cou ne s’est pas incliné indignement – « il mit à son cou le collier d’or”. Ses mains n’ont pas donné de caresses indignes – “le roi retira sa bague de sa main et l’a mise sur la main de Joseph”. Ses pieds n’ont pas commis de faux pas – qu’ils viennent et chevauchent le char “il le fit chevaucher sur le second char après le sien…” » (Béréchit Rabba 90, 3)
Cet enseignement répond au principe dit « mesure pour mesure ». Parce que Joseph a su dominer ses instincts, il a obtenu une rétribution à la mesure de son effort. Mais tel quel cet énoncé reste formel ; il reste à comprendre le rapport réel de ces éléments les uns avec les autres. Pourquoi la résistance au désir adultère octroie-t-elle en récompense la dignité royale ?
Le Sfat Emeth[1] explique : celui qui règne sur ses désirs et les domine, c’est-à-dire qu’il règne sur son humaine nature, est effectivement digne et capable de régner. C’est pourquoi c’est la rétribution qui convenait le mieux à Joseph.
« car lorsque l’homme se soumet comme il faut à Dieu, il s’ensuit alors comme de soi que la nature et la création se soumettent à lui ; puisque lui se soumet, tout se soumettant à lui, c’est à Dieu qu’ils se soumettent et tel est le vœu ardent de toutes les créatures et de la nature elle-même. » (Sfat Emeth sur Miqetz, 5632-1871)
Cette idée apparaît déjà chez rabbi Juda Halévy dans sa description du ‘hassid, l’homme de piété (Kouzari iii, 2 et suiv.[2]) :
« L’homme pieux, c’est lui le chef, obéi par ses sens et ses facultés psychiques et corporelles. Il les gouverne comme on gouverne une cité, comme il est dit (Proverbes 16, 32) : “gouverner son souffle vaut mieux que conquérir une ville.” Il est l’homme digne d’exercer le pouvoir car s’il était à la tête d’une cité, il y agirait avec justice comme il le fait envers son corps et son âme. En effet, il retient ses forces concupiscentes, les empêchant d’outrepasser leurs limites, après qu’il leur a donné leur part et leur a fourni tout ce qui satisfait leurs justes besoins : de la nourriture avec mesure, de la boisson avec modération, le bain et ses apprêts – comme il se doit. Il retient de même les forces colériques qui visent à mettre son pouvoir à nu, après qu’il leur a aussi donné leur dû, leur ayant donné leur part de victoires selon ce qui est nécessaire dans les controverses scientifiques et doctrinales, et aussi dans les remontrances adressées aux hommes mauvais. Et même aux sens il leur sonne leur part dans la mesure où le profit lui en reviendra : de même qu’il se sert de ses mains, de ses pieds et de sa langue pour les seuls besoins indispensables et seulement par choix et pour ce qui est utile, de même fera-t-il pour l’ouïe et la vue (et au sens commun qui leur fait suite). Ainsi fera-t-il des fonctions imaginative, estimative, cognitive et de la mémoire et enfin de la volonté qui se sert de toutes celles-ci, alors qu’elle-même se trouve sous le contrôle de l’intellect et qu’elle le sert. »
Joseph le Juste et l’homme pieux que décrit rabbi Juda Halévy sont pénétrés du respect des valeurs[3] qui leur permet de se conduire ainsi. La fête de Hanouca, on le sait, est célébrée au temps de la victoire de la tradition orale de la Thora sur la culture grecque ; la différence significative qui les sépare tient à ce que la culture grecque est d’essence humaniste alors que la tradition orale tire sa source de la Révélation du Sinaï. Elle est d’origine divine et c’est pourquoi la condition première de son étude est la reconnaissance de Dieu en tant que donneur de la Thora et le respect des valeurs qu’elle dévoile. Le Talmud, en la personne de Rabba bar Rav Houna, l’énonce clairement (Chabbat 30a-b) : « tout homme ayant acquis connaissance de Thora mais dénué du respect de ses valeurs est semblable à un trésorier auquel on aurait confié les clés du coffre mais pas celles de la porte d’entrée. Comment pourrait-il y accéder ? » Ce qui mène le Sfat Emeth à préciser (Sfat Emeth sur Miqetz, 5631-1870) que la mitzva est de placer le chandelier à la porte d’entrée de la maison à l’extérieur, en guise de clés externes : « C’est aussi la protection dans les affaires de ce monde car grâce au respect des valeurs célestes le centre profond de l’intériorité est mis à m’abri afin que l’amour et la volonté ne se propagent pas aux affaires de ce mondes sans un veritable sens . »

Traduit par Rav E. Simsovic

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[1] Rabbi Yéhouda Aryé Leib Alter, 1847-1905, 3ème Rabbi de Gour.
[2] Cf. Le Kuzari, Ed. Verdier, pages 92 et suiv.
[3] Littéralement yireat chamayim, expression habituellement traduites par « crainte des cieux » qu’il importe de ne pas confondre avec la crainte de Dieu.

 

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