Lekh Lekha – Pourquoi quitter le pays?
Rav Shaoul David Botshko
« Il y eut une famine dans le pays et Abraham descendit en Égypte pour y séjourner car la famine était grande dans le pays. » (Genèse xii, 10)
Deux explications sont données de la conduite de notre père Abraham. Le midrach (Psiqta Zoutrata, Lekh Lekha xii, 10) le félicite :
« c’est là ce que David (Psaume cxi, 5) a dit – “Il a donné le tourment de la nourriture à ceux qui le craignent”. Ceux qui le craignent sont tourmentés en ce monde-ci, mais dans le monde qui vient “Il se souvient à jamais de Son alliance”. Bien qu’il soit écrit : “Je te bénirai et J’agrandirai ton nom”, Il a provoqué la famine dans le pays pour l’éprouver ; il s’agit de l’une des dix sortes de famine qui ont sévi dans le monde. Et cependant Abraham n’a pas mis en cause la manière dont le Saint béni soit-Il gère Son monde. »
En son sens littéral, le verset des Psaumes cité ci-dessus dit que Dieu assure la subsistance des justes. Mais le terme utilisé pour dire la subsistance (teref) est apparenté au mot tirouf que nous avons traduit par « tourment ». Le juste ne voit pas d’emblée l’amour de Dieu ; il affronte de rudes épreuves.
Selon ce midrach, Abraham n’a pas commis de faute en descendant en Égypte. Il a témoigné de sa confiance inébranlable en Dieu qui lui a promis richesse et honneurs dans le pays et qui pourtant le contraint maintenant à le quitter provisoirement. Il ne proteste pas, il n’a pas de doute et ne se plaint pas. Il ne considère d’ailleurs pas qu’il a de quelconques droits.
Nahmanide, quant à lui, critique :
« Avoir quitté le pays où il a reçu consigne de se rendre en raison de la famine est aussi une faute qu’il a commise, car Dieu peut le sauver de la famine.»
Le sens littéral du texte justifie la lecture du midrach, puisqu’il souligne que « la famine était grande dans le pays ». Abraham n’avait pas le choix. Pour le midrach, la conduite d’Abraham n’avait rien de répréhensible car il est pour une conduite rationnelle, fondée sur le principe qu’ « il ne faut pas compter sur le miracle ». Nahmanide enseigne que lorsqu’il s’agit de l’identité du peuple, la rationalité n’a pas sa place : le peuple ne peut subsister, dans le pays et hors du pays sans la confiance fidèle en Dieu. Et la suite des versets lui donne raison, car évitant le danger de la famine il se met en danger de mort de la part des Égyptiens prêts à tuer un homme pour prendre sa femme.
Alors, pourquoi quitter le pays ?