Kora’h – Le secret
Rav Shaoul David Botschko
L’incendie allumé par la contestation de Kora’h et de ses acolytes fut très difficile à éteindre. Ils périrent dans des circonstances dramatiques. Et sans tarder le peuple reprit le flambeau de la révolte:
« Le lendemain, toute l’assemblée d’Israël se souleva contre Moïse et Aaron et leur dit : « vous avez mis à mort le peuple de D-ieu[1] ».
La riposte de D-ieu ne se fit pas attendre :
« Elevez vous de cette communauté et Je les exterminerai sur le champ[2]. » ordonna t Il à Moïse.
Moïse était celui qui avait demandé à D-ieu de punir d’une manière extra ordinaire la bande de Kora’h; cette fois ci son attitude sera tout à fait différente.
Il se précipita chez Aaron, lui demanda de fabriquer des encens, de les placer sur la pelle sainte, d’aller vers la communauté et d’expier ainsi leur péché. Aaron obtempèra :
« Aaron prit les encens comme le lui avait ordonné Moïse; il courut au sein de la communauté, et voici que le massacre du peuple avait commencé; il mit les encens et il expia pour le peuple. Il se dressa entre les morts et les vivants et l’épidémie cessa[3] ».
Pourquoi Moïse changea t il d’attitude ? Le péché de la communauté était pourtant plus grave que celui de Kora’h. En effet, la communauté venait de constater la punition qui avait frappé les révoltés et n’en tira pas les leçons qui s’imposaient ! De plus, D-ieu venait de demander au prêtre Eleazar de prendre les pelles de cuivre des révoltés, de les fondre et d’en couvrir l’autel afin que cela soit, dit Il
« Un souvenir pour les enfants d’Israël afin qu’aucune personne qui ne serait pas un descendant d’Aaron ne se permette de prendre la place des prêtres[4] ».
La nouvelle contestation du peuple rendait inutile la punition exemplaire que Kora’h avait reçue et vains tous les efforts pédagogiques de D-ieu qui voulait éduquer les juifs à accepter qu’en son sein, il y eût une tribu élue dont la sainteté lui donne un statut particulier. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, la colère de D-ieu s’abattit immédiatement sur le peuple hébreu sans autre avertissement.
La différence entre la révolte de Kora’h et la contestation de la communauté n’est donc pas dans la nature de la faute, mais dans l’identité des pécheurs : là un petit groupe, ici le peuple tout entier. Si Moïse avait exigé une mort « spéciale » pour Kora’h, ce n’était pas par haine pour cet homme; c’était pour protéger le peuple de la contagion. Moïse s’était dit, on peut punir des individus, mais certainement pas toute la communauté. Aussi, si le peuple tout entier s’était finalement laissé entraîner, il fallait tout faire pour le sauver.
LA PLACE DU JUSTE
Mais que pouvait faire Moïse ?
Rachi répond à cette question en rapportant le Midrash :
« Lorsque Moïse monta au ciel pour recevoir la Thora, l’ange de la mort lui dévoila un secret: les encens peuvent sauver de la mort[5] ».
Que signifie donc ce Midrash ?
Les encens symbolisent la relation idyllique entre l’homme et D-ieu, celle qui n’a pas besoin de passer par la cassure du sacrifice; cette offrande est apportée dans l’endroit sacré du Tabernacle, là où seuls les prêtres ont le droit de pénétrer. Chaque jour cette offrande qui devait être apportée chaque jour par le Grand Prêtre lui même. Elle justifie la relation intime entre l’homme et Dieu. Elle est un élévation harmonieuse qui n’est dans les capacités que du plus grand de la tribu élue. C’était cette relation privilégiée qu’avaient convoitée Nadav et Avihou. Kora’h également, jaloux, ne pouvait accepter d’en être irrémédiablement exclu.
L’ange de la mort enseigne à Moïse que la mort peut être vaincue lorsque l’homme brise les limites et les frontières. Pour vaincre la mort, il faut que le Grand Prêtre, l’homme le plus saint prenne des risques; il faut qu’il offre les encens – service le plus saint qui doit normalement s’accomplir dans l’endroit le plus saint – le présenter au sein du peuple, parmi les impies les plus impardonnables.
Le risque est grand; en effet, si ce service n’était pas agréé par D ieu, celui qui l’avait offert aurait été condamnable aux yeux de D ieu. De plus, la sainteté n’aime pas le spectacle, elle en est même le contraire, il est donc difficile de rester saint lorsqu’on quitte l’intimité du Temple. Ces dangers spirituels s’ajoutent au courage physique nécessaire pour oser se rendre là où l’épidémie frappe, à la limite entre les morts et les vivants.
Aaron a été d’être capable d’établir une relation avec D-ieu au milieu de son peuple comme s’il était dans le silence du Saint des Saints.
Si c’est l’ange de la mort qui dévoile ce secret, c’est pour enseigner qu’on ne peut briser les frontières qui entourent le sacré que lorsque l’homme fait fi de sa vie pour accomplir sa mission, qu’il accepte de se rendre là où la vie et la mort se confondent.
Tu peux offrir l’encens au sein du peuple lorsque tu te places là où la mort frappe. « Aaron se dressa », dit le texte, « entre les morts et les vivants ».
L’épidémie avait débuté lorsque D-ieu demanda à Moïse de s’élever de la communauté, elle cessa lorsque Moïse demanda à Aaron de s’interposer au sein de la communauté.
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[1] Nombres 17, 6
[2] Nombres 17, 10
[3] Nombres 17, 12
[4] Nombres 17, 5
[5] Rachi Nombres 17, 11