Devarim – L’enthousiasme raisonné
Rav Shaoul David Botschko
Le 9 Av le Temple était détruit et c’était le 9 Av que les enfants d’Israël refusèrent de monter en Israël. « Vous avez pleuré pour rien, alors ce jour deviendra un jour de pleurs pour toutes les générations » dit D ieu.
Quelle a été la cause de ce refus aux si funestes conséquences?
Dans la Paracha de Chela’h le’ha[1], la Thora raconte en détail l’expédition des explorateurs et la révolte qu’ils fomentèrent à leur retour. Dans notre Paracha, on explique dans quelles circonstances ils furent envoyés. On nous précise d’abord que ce sont les enfants d’Israël qui prirent l’initiative d’envoyer des éclaireurs:
« Tous, vous vous approchèrent de moi et dites: Envoyons des hommes et qu’ils explorent le pays et qu’ils nous rapportent par quel chemin il faut l’approcher et quelles sont les villes qu’il faut conquérir d’abord. »[2] 1,22 »
Pour beaucoup de commentateurs, cette initiative est le commencement de la faute. En effet, il n’était pas nécessaire d’explorer le pays, D-ieu avait annoncé qu’il était bon, Ses affirmations n’ont pas besoin d’être vérifiées. Le Ramban, lui, justifie la demande des hébreux. Leur but était de préparer les batailles futures. Il n’est pas permis de se confier aux miracles divins. L’homme a le devoir de prendre en main son avenir et tout en étant conscient que l’aboutissement de ses efforts dépend de la Volonté de D-ieu, il ne doit négliger aucun détail pour arriver à son but.
Comment une action dont les intentions étaient louables a-t-elle pu se transformer en une tragédie dont aujourd’hui encore nous mangeons les fruits amers?
« Tous, vous vous approchèrent de moi ».
C’est peut être cette phrase qui met en lumière les causes profondes du drame. Les hébreux seraient ils tous devenus des stratèges? Avaient-ils tous assez d’expérience pour se permettre de donner des conseils à Moïse?
Certes, non. Leur exigence n’était autre qu’un délire collectif.
Même si on considère avec le Ramban que la demande des enfants d’Israël était en elle même sensée, la manière n’est pas excusable: tout le peuple se rassemble et se dirige sur Moïse! À qui s’adressaient ils donc? À Moïse, qui les avait conduits sans failles depuis la sortie d’Egypte! Aussi, cette demande raisonnable masquait-elle en fait une profonde méfiance envers leur guide.
Et le moment était aussi mal choisis: Moïse venait de leur donner l’ordre de conquérir le pays: « Monte, prends possession du pays comme Hachem, D-ieu de tes pères te l’a ordonné »[3]. Et voici que la proposition des enfants d’Israël fait diversion. On a cherché et trouvé un prétexte pour retarder l’échéance. « Lorsqu’une Mitsva vient dans tes mains, ne la laisse pas passer » enseignent nos sages[4].
Après que la punition tomba et que D-ieu interdit à toute cette génération de monter en Israël, il y eut à nouveau un mouvement de foule: « Vous clamèrent votre volonté de grimper la montagne »[5]. Et sans attendre une approbation qui ne vint jamais et, sans aucune préparation, ils se précipitèrent vers la montagne et se firent massacrer par les Emorites.
« Vatahinou » que nous avons traduit par clameur vient du mot « hen » qui signifie « oui ». En d’autres termes lorsqu’une masse de gens suit hystériquement une voie, il n’y a rien de profond et de vrai dans ces mouvements. Ils sont dangereux.
Lorsque Moïse demanda aux hébreux de monter en Israël, c’était l’ordre de D-ieu qu’il fallait respecter. Il fallait répondre oui sans attendre. Notre enthousiasme est sain lorsque nous prenons conscience qu’il est une réponse à une Mitsva, un appel, une invitation de D-ieu. Le oui immédiat a alors une assise spirituelle, une assise profonde dans le coeur de chacun.
Le Temple de Jérusalem représentait cette harmonie entre une pensée réfléchie et un attachement sans faille.
C’est le 9 Av qu’il a été détruit.
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[1] Nombres Chap. 13
[2] Deutéronome 1, 22
[3] Deutéronome 1, 21
[4] Mehilta sur Exode 12, 17
[5] Deutéronome 1, 41.