Vézot Haberakha – Hommage à Moché
Rav Nahum Botschko
À la fin de notre paracha, qui achève le cycle des lectures de la Thora, nous lisons au sujet de la mort de Moïse notre maître : « Or, Mochè était âgé de cent vingt ans à sa mort… » La Thora décrit ici brièvement la gigantesque personnalité de Moïse et déclare (Deut. xxxiv, 7) : « il ne s’est plus levé de prophète en Israël comme Mochè que Hachem ait connu face à face, pour tous les signes et les prodiges qu’Hachem l’avait envoyé accomplir au pays d’Égypte pour Pharaon et pour tous ses serviteurs et tout son pays, et pour cette main puissante et toutes ces imposantes merveilles que Mochè accomplit aux yeux de tout Israël. »
Rachi commente ces derniers mots de la Thora :
« aux yeux de tout Israël – Parce que son cœur l’a poussé à briser les tables à leurs yeux, comme il est écrit : « …Je les ai brisées à vos yeux » (supra ix, 17), et le Saint béni soit-Il a approuvé son geste, comme il est écrit (Chemoth xxxiv, 1) : « …les premières tables que tu as brisées (achèr chibarta), c’est-à-dire : que tu as bien fait (yichar kohakha) de briser ! » (Chabath 87b).
Est-ce vraiment là tout ce que Rachi trouve à dire pour son dernier mot sur la Thora ? Le rappel du fait que Moïse a brisé les premières tables !? C’est cela « toutes les imposantes merveilles que Mochè accomplit aux yeux de tout Israël ? » Et que signifie aussi que Dieu l’en félicite ?
Pour comprendre cela, nous devons comprendre d’abord la différence de nature entre les deuxièmes tables et les premières que Moïse a brisées. Celles-ci étaient entièrement l’œuvre de Dieu, tant pour le support matériel que pour l’écriture (Chemoth xxxii, 16) : « et les tables étaient l’œuvre de Dieu, et l’écriture, écriture de Dieu » ; les deuxièmes tables ont été taillées dans le roc par Moïse sur l’ordre de Dieu qui y écrivit ce qui était écrit sur les premières tables (Deut. x, 1-4) : « en ce temps-là, Hachem me dit taille deux tables de pierre comme les premières… et j’ai taillé deux tables de pierre comme les premières, et je suis monté sur la montagne et les deux tables dans ma main, et Il écrivit sur les tables comme l’Écriture première. »
Les premières tables étaient situées à un très haut niveau et les enfants d’Israël n’étaient pas alors à un niveau approprié pour les recevoir. Ils ne pouvaient recevoir des tables entièrement divines, sans qu’une participation humaine y ait contribué. C’est pour cela que Moïse a été contraint de les briser et que Dieu l’a approuvé. Cela signifie qu’il y a une Thora qui ne convient pas aux hommes de ce monde et il y a une Thora des deuxièmes tables à réalisation desquelles l’homme est associé et c’est elle qui convient à Israël vivant en ce monde.
Rachi, dans les derniers mots de son commentaire sur la Thora, a voulu nous enseigner que bien que Moïse ait été le plus grand des prophètes, que Dieu l’ait connu face à face, qu’il ait accompli des prodiges, etc., sa grandeur a été d’être un chef et un guide proche des hommes dont il avait la charge dont il comprenait les capacités et les besoins avec finesse et en profondeur. Il leur fallait une Thora certes venue du ciel, mais dont le support terrestre avait été préparé de main humaine.
Tout ceci semble avoir été écrit au sujet de la remarquable personnalité de mon grand-père, rabbi Mochè Botschkoזצ »ל , qui a légué à sa famille et à ses élèves une Thora infinie mais à mesure humaine, une Thora qui établit l’harmonie entre le corps et l’âme, une Thora qui nous apporte le bonheur.
« Et l’homme Mochè était humble, grandement. » Mon grand-père זצ »ל a demandé qu’on ne lui consacre pas d’élégie, ni oralement, ni par écrit. Nous nous soumettons à sa volonté : nous serons ses exécuteurs testamentaires en ceci que nous suivrons sa voie, la voie terrestre – derekh eretz ha-avoth – la voie d’acquisition des vertus authentiques léguées par nos pères qui seules peuvent constituer le réceptacle de la Thora de vérité.
Mochè est vrai et sa Thora est vraie !