Vayikra – Orienter son coeur vers le Ciel
Rav Nahum Botschko
La paracha de Vayikra présente les différentes catégories d’offrandes apportées au Sanctuaire. À ce sujet, la dernière michna du traité des Oblations précise : « il est dit à propos de l’offrande d’un animal entièrement brûlé sur l’autel “feu en parfum agréable” et il est dit à propos de l’oiseau entièrement brûlé “feu en parfum agréable” et aussi à propos de l’oblation “feu en parfum agréable”, pour t’enseigner que celui qui donne beaucoup et celui qui donne peu se valent également, si seulement il oriente son cœur vers le ciel. »
De même, parmi les règles importantes concernant les offrandes on trouve la notion de pigoul invalidante. Le fait de respecter à la lettre toute les règles formelles des offrandes est insuffisant. Encore faut-il qu’elle s’accompagne de l’intention juste et appropriée. L’acte tout extérieur sans que l’intériorité y participe risque de perdre sa valeur. Les Sages ont appliqué ce principe appris des offrandes rapport entre le temps consacré à l’étude et celui consacré aux activités de la vie pratique.
La guémara énonce : « Voici une perle dans la bouche des sages de Yavné : je suis créature et mon prochain est créature. Mon travail est en ville et son travail est au champ. Je me lève tôt pour mon travail et il se lève tôt pour son travail. De même qu’il n’empiète pas sur mon travail, je n’empiète pas sur son travail. Peut-être diras-tu que j’en fais beaucoup et qu’il en fait peu ? Nous avons appris dans la Michna : celui qui fait beaucoup et celui qui fait peu se valent également, si seulement il oriente son cœur vers le ciel. » Littéralement, ce qui est gâté, avarié. Il s’agit d’une offrande dont a laissé passer le temps approprié à sa présentation.
Peut-être quelqu’un consacrera-t-il beaucoup de son temps à l’étude de la Thora mais son intention n’est pas pure et il vise seulement à s’en glorifier. Un tel homme serait-il un grand érudit, un homme simple et bien moins savant mais le peu qu’il a appris il l’a appris lechem chamayim, c’est-à-dire de manière totalement dévouée à la volonté divine Il ne suffit pas d’apparaître extérieurement comme un sage et d’être savant et érudit. Il faut que l’étude soit vouée à la volonté divine et sans aucune intention égoïste. L’étude de la Thora est elle-même une des manières de servir Dieu et Son service ne peut être digne de ce nom que s’il Lui est entièrement dévoué en toute pureté.
Bien que les Sages ne l’aient pas dit explicitement, les décisionnaires nous ont appris que ce principe s’applique aussi dans l’exercice de la prière. « et l’homme doit présenter sa supplique devant Dieu, autant celui qui en fait plus que celui qui en fait moins, si seulement il oriente son cœur vers le ciel en ses supplications, car il vaut mieux un peu avec l’attention et l’intention voulues que beaucoup sans elles. »
Ce qui rappelle l’adage connu : une prière sans intentionnalité est comme un corps sans âme. Quel que soit le scrupule d’exactitude dans la forme, dans les horaires et le respect des règles, la prière dépourvue de l’intention du cœur qui doit y présider n’est en rien différent du sifflement du merle.
Cependant, on trouve dans le cas des offrandes une dimension supplémentaire et plus haute. La guémara énonce « Rabbi Yéhochou‘a ben Lévi dit : viens et vois combien grands sont les humbles devant le Saint béni soit-Il. En effet, au temps où le Temple existe l’homme qui reçoit pour un holocauste le salaire d’un holocauste (et non d’une autre offrande) ; pour une oblation, le salaire d’une oblation. Mais celui qui est humble, la Thora le considère comme s’il les avait apporté toutes les offrandes possibles, puisqu’il est dit : « les immolations pour Dieu, c’est un esprit brisé. » Et non seulement cela, mais la prière de l’humble n’est pas dédaignée, puisqu’il est dit : un cœur brisé et humilié, Dieu ne le méprisera pas. » (Voir le commentaire de Rachi dans la guémara).
En toute chose que l’homme fait, même lorsqu’il voue son acte tout entier au seul service de Dieu, il y reste malgré tout une touche d’intérêt personnel. Celle-ci, parfois, nous empêche d’atteindre le but que nous nous proposons. C’est pourquoi celui qui offre l’holocauste ou l’oblation ne reçoit que le salaire de son offrande, mesure pour mesure. Mais celui qui par son attitude d’humilité prouve que c’est son être même qu’il propose dans son offrande, ne garde rien pour lui-même, il est tout entier voué à Dieu seul, est considéré comme s’il avait présenté toutes offrandes possibles. La pureté de son intention donne à son acte une dimension d’infinitude littéralement dé-mesurée, car telle était son intention même puisqu’offerte au Dieu qu’aucune mesure de temps ni d’espace ne saurait limiter.
La Thora nous a ainsi enseigné deux principes fondamentaux au travers des règles des offrandes. L’importance de l’intention qui accompagne l’acte et le fait qu’il doit être dépourvu de toute considération d’intérêt personnel aussi infime qu’elle soit. Ceci doit nous guider en toutes nos conduites ; nous devons toujours nous efforcer de tout faire avec l’intention la plus pure et nous devons aussi nous efforcer de faire ce que nous faisons au mieux de la finalité de cette action pour elle-même, sans que s’y mêlent des intentions et des intérêts qui n’y ont que faire. Peut-être même faut-il aller jusqu’à dire : nous devons faire que la réussite de l’action prescrite soit notre seul intérêt véritable.
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Traduit par Rav E. Simsovic