Pourim – Les lumières de Pourim
Rav Nahum Botshko
Pourim est une fête captivante ! Nos Sages ont institué plusieurs commandements à pratiquer en ce jour. L’un d’entre les plus connus est l’obligation de boire quasi jusqu’à l’ivresse – obligation que nos saints Juifs observent pieusement avec un scrupule extrême. L’expression talmudique (Méguila 7b) – reprise dans le Choulhane Aroukh (Orah Hayyim §695, 2) « on doit se griser à Pourim… » est bien connue.
Mais en vérité, cette prescription est très étonnante. L’ivresse, même légère, est chose fort inconvenante. On ne compte plus toutes les mises en garde de nos Sages contre l’excès de boisson, puisqu’aussi bien, l’absorption de vin et d’alcool voilent la conscience de l’homme et le privent de contrôle sur ses actes, ce qui l’expose à la transgression. La guémara (Bérakhot 29b) dit bien au nom d u prophète Élie : « ne t’humecte pas et tu ne fauteras pas ! »
Pour comprendre la permission de boire à Pourim plus que de raison (mais néanmoins pas jusqu’à la perdre), il nous faut examiner les enseignements des Sages concernant le jour de Pourim.
Le midrach Michlé (chapitre 9) énonce : « Toutes les fêtes seront annulées, mais jamais les jours de Pourim ne le seront… Rabbi Éléazar ajoute : le jour de Kippour lui non plus ne sera jamais annulé. » Rabbi Éléazar établit une équivalence entre le jour de Pourim et celui de Yom Hakippourim, affirmant que ce dernier ne sera pas non plus supprimé à l’avenir. Et nous voici tout étonnés : Yom Kippour, ce jour qui n’est que sainteté, tout entier consacré au service divin et la proximité de Dieu, on comprend bien qu’il ne puisse jamais être supprimé, mais Pourim ? Pourim qui n’est que réjouissance et festoiement, consommation de viande et de vin (en abondance) ? Pourim serait destiné à ne jamais disparaître ?
Ce qu’il faut réaliser, c’est qu’à l’avenir, après le temps de ce monde, le rapport entre le corps et l’âme est appelé à être modifié. Le corps ne fera plus obstacle à notre intégrité morale et spirituelle ; au contraire, l’âme purifiera le corps et le corps contribuera à l’élévation de l’âme de plus en plus haut[1]. De ce fait, Pourim représente pour l’avenir quelque chose d’extrêmement important. Et même déjà de notre temps, en ce monde, le flux de bénédiction que Dieu déverse à Pourim est exceptionnel. Le rav A.I. Hacohen Kook écrit à ce sujet[2] : « Immense est le rayonnement de Pourim ; en ce jour, une sainteté intense illumine le monde … le rayonnement qui s’épanche en ce saint jour relève de la sainteté même du corps d’Israël. » C’est pourquoi, on peut être ce jour-là moins sourcilleux pour ce qui est de boire du vin, car nous sommes ce jour-là dans un registre d’existence différent, à un tout autre niveau d’être. À Pourim, se manifeste « la sainteté du corps », qui ne fait pas alors obstacle à l’élévation de l’être, mais constitue un tremplin vers le divin. On comprend bien à présent pourquoi Pourim jamais ne disparaîtra : aidant l’homme aspirant à l’intégrité à la proximité la plus grande de Dieu, corps et âme, proximité à laquelle nous accédons grâce au corps, et non malgré lui !
Traduit et adapté par Rav E. Simsovic
[1] Cf. rav Friedlander, sur M.H. Luzzato, Daat Tévounot, §72, approfondissements 20.
[2] Olath Réiya, I, page 439.